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Cette newsletter contient un bref résumé des plus récents arrêts du Tribunal fédéral rendus en matière de droit du travail, touchant plusieurs thématiques essentielles de ce domaine, soit notamment les questions liées à la rémunération et au bonus, de même que celles relatives à la résiliation du contrat de travail. Elle vise principalement à donner aux professionnels de la branche un aperçu des dernières évolutions de la jurisprudence, de même que des indications pratiques pour les guider dans les décisions à prendre à ce sujet.
Salaire / Bonus
Arrêt du 6 août 2018 (4A_72/2018)
Pour les travailleurs payés à l’heure, il n’existe pas d’obligation légale de compenser le jour férié quand il tombe un jour où le travailleur aurait dû exercer son activité, à l’exception du 1er août (art. 110 al. 3 Cst.). Une rétribution est cependant due si le contrat ou l’usage le prévoit.
Si les parties désirent prévoir une telle clause contractuelle, la part de salaire qui correspond à la rémunération des jours fériés doit être spécifiquement indiquée (comme cela se fait pour la rémunération des jours de vacances).
Arrêt du 14 juin 2018 (4A_178/2017)
Il est possible de prévoir que les heures supplémentaires seront rémunérées sans supplément ou ne seront pas rémunérées.
Toutefois, selon la théorie de l’imprévision, l’employeur ne peut pas se prévaloir de cet accord pour refuser une rémunération spécifique si le travailleur est amené à accomplir des heures supplémentaires en nombre excédant notablement ce qui était prévisible lors de la conclusion de l’accord.
Arrêt du 17 mai 2018 (4A_666/2017)
Un contrat conclu en la forme écrite peut être modifié tacitement.
Quand l’employeur ne fait pas valoir des prétentions dont il avait déjà connaissance avant la fin des rapports de travail, son comportement peut être interprété comme une renonciation à sa créance, respectivement comme une modification tacite du contrat avec augmentation de salaire.
En l’espèce, l’employeuse, une personne âgée qui avait besoin d’assistance dans sa vie quotidienne et entretenait un lien particulier avec son employée, n’a pas voulu faire valoir ses droits par crainte de perdre son celle-ci et de devoir tisser de nouveaux liens personnels avec un tiers. Compte tenu de ce rapport de faiblesse, le fait que l’employeuse ait attendu la fin du contrat pour soulever la question du rattrapage des heures non travaillées ne saurait être considéré comme une renonciation à sa créance à l’encontre de l’employée.
Arrêt du 4 avril 2018 (4A_651/2017)
Un employé peut prétendre au versement d’une gratification en se fondant sur le principe de l’égalité de traitement (art. 328 CO) lorsqu’il est placé dans une situation clairement moins avantageuse qu’un grand nombre d’employés.
En l’occurrence, le Tribunal fédéral a considéré que le fait que tous les autres employés de l’équipe (composée de 5 personnes) aient pour leur part reçu un bonus constituait une discrimination injustifiée à l’égard de l’employé concerné. Dans la mesure où le contrat de travail n’avait pas encore été résilié au moment du versement du bonus, il n’existait pas de raison de traiter l’employé différemment de ses collègues.
De plus, lorsque la gratification est destinée uniquement à récompenser l’employé pour le travail effectué (et non à le fidéliser pour l’avenir), elle ne saurait, faute de disposition contractuelle correspondante, être réduite ou supprimée au motif que le contrat a été résilié. En l’occurrence, il ressortait des lettres accompagnant le versement des bonus précédents que le bonus était versé en lien avec les prestations de l’année écoulée. Le Tribunal fédéral a donc considéré que l’employeur devait verser le bonus à son employé.
Arrêt du 4 mai 2018 (4A_463/2017)
Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a rappelé les bases de sa jurisprudence en matière de bonus. Trois cas de figure doivent être distingués:
- Lorsque le bonus convenu contractuellement est déterminé ou objectivement déterminable et qu’il ne dépend pas de l’appréciation de l’employeur, il doit être qualifié de salaire et non de gratification. Il est alors dû pro rata temporis même en cas de départ de l’employé en cours d’année.
- Dans l’hypothèse où les parties ont convenu du principe du versement d’un bonus, sans toutefois que le contrat ne fixe un pourcentage déterminé ou une clé de répartition qui permettrait à l’employé lui-même de calculer celui-ci, la gratification doit être versée par l’employeur, mais ce dernier jouit d’une certaine liberté quant à la fixation de son montant. Dans ce cas, l’employé n’a droit à une part proportionnelle de la gratification en cas d’extinction des rapports de travail que s’il en a été convenu ainsi, ce qu’il lui incombe de prouver en vertu de l’art. 8 CC. Le fait que l’octroi du bonus soit soumis à la condition que l’employé soit toujours dans les effectifs de la société, respectivement n’ait pas démissionné ou été licencié au moment où le paiement sera dû, est donc typique d’une gratification, et non d’un salaire.
- Enfin, si les parties ont réservé tant le principe que le montant du bonus, il s’agit d’une véritable gratification facultative. Lorsque le bonus a été versé d’année en année avec la réserve de son caractère facultatif, il n’y a en principe pas d’accord tacite et un bonus n’est pas automatiquement dû par l’employeur. Dans ce cas, il faut encore se poser la question du caractère accessoire du bonus par rapport au salaire de base. La jurisprudence prévoit en effet une requalification du bonus en salaire s’il s’avère que la gratification est disproportionnée par rapport au salaire convenu. Toutefois, une telle requalification est exclue pour les employés qui perçoivent de très hauts revenus (seuil fixé à 5x le salaire médian suisse).
A noter encore que la fixation concrète du montant du bonus pour la période concernée ne constitue en principe pas une modification du salaire convenu contractuellement entre les parties et n’entraîne donc pas un changement de nature de la gratification.
Arrêt du 25 juillet 2018 (4A_215/2018)
Un bonus qualifié de ” garanti ” selon l’accord des parties est un élément de salaire contractuel et non une gratification, ce d’autant plus lorsque les conditions à remplir pour le versement de la prime ne sont pas claires.
Lorsque le bonus est qualifié d’élément de salaire, il fait partie du montant couvert par l’art. 324a CO (salaire en cas d’empêchement de travailler).
Résiliation du contrat de travail
Arrêt du 11 mai 2017 (ATF 143 III 290)
Le fait de retirer certaines tâches à un employé ou de changer son statut est constitutif d’un juste motif de résiliation au sens de l’art. 337 CO.
Dans ce cas, le délai de résiliation pour justes motifs de 2-3 jours ne commence à courir qu’une fois que le changement est effectivement mis en place et non le jour de l’annonce à l’employé.
Arrêt du 17 septembre 2018 (8C_134/2018)
Le licenciement qui suit le déclenchement par l’employé d’une procédure interne pour discrimination ne constitue pas nécessairement un licenciement abusif.
Lorsqu’un employé est absent pendant une période de temps considérable par rapport à la durée totale de la relation de travail, l’employeur peut mentionner cette absence dans le certificat de travail (art. 330a CO). En effet, dans le cas contraire, le certificat pourrait donner une image erronée de l’expérience professionnelle de l’employé. En l’occurrence, le Tribunal fédéral a jugé qu’il était admissible de mentionner dans le certificat de travail que l’absence de longue durée était liée à un congé maternité.
En cas de questions au sujet des problématiques évoquées ci-dessus, n’hésitez pas à nous contacter. Nos équipes de Genève et Zurich se tiennent à disposition pour vous assister dans le domaine du droit du travail.