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Au cours des dernières années, de nombreuses communes ont fait usage de la faculté qui leur est conférée par l’art. 27 al. 1 de la Loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT) de créer des zones réservées, afin de disposer d’une marge de manœuvre aussi large que possible dans le cadre de la révision de leur planification territoriale. En raison de l’effet d’une telle décision sur les droits des propriétaires fonciers concernés, il en a résulté une abondante jurisprudence.
A teneur de l’art. 27 al. 1 LAT, s’il n’existe pas de plan d’affectation ou que l’adaptation d’un tel plan s’impose, l’autorité compétente peut prévoir des zones réservées dans des territoires exactement délimités. A l’intérieur de ces zones, rien ne doit être entrepris qui puisse entraver l’établissement du plan d’affectation. Une zone réservée ne peut être prévue que pour cinq ans au plus, le droit cantonal pouvant néanmoins prolonger ce délai. L’art. 27 al. 1 LAT est muet au sujet de la procédure d’adoption de telle zones et du moment de leur entrée en vigueur. Ces questions sont donc réglées au niveau cantonal.
La délimitation de zones réservées est une mesure conservatoire, prise aux fins d’établir des plans d’affectation ou de les modifier. Elle vise à garantir aux autorités chargées de l’aménagement du territoire – principalement les communes – la liberté de planifier et de décider, en évitant que des projets de construction (autorisables en tant que tels) ne viennent faire obstacle à la planification en cours.
L’effet principal de cette mesure est qu’aucune nouvelle autorisation de construire ne pourra en principe être délivrée en relation avec une parcelle comprise à l’intérieure de la zone concernée. Seules les constructions qui n’entravent pas l’aménagement futur envisagé peuvent recevoir l’aval des autorités. Lorsque les intentions de planification de la Commune ne sont pas très concrètes, les zones réservées ne peuvent entraîner que des interdictions de construire ou de modifier. Des travaux de modification ou de transformation dans des zones réservées restent toutefois possibles, à condition qu’ils n’entravent pas la mise en œuvre future du plan d’affectation. Il en résulte que lorsque le requérant estime que son projet remplit à la fois les conditions du droit actuel et celles du droit futur, il pourrait, en principe, prétendre néanmoins à la délivrance d’une autorisation de construire.
En revanche, la création d’une zone réservée n’a en principe pas d’effet sur les autorisations de construire qui sont entrées en force antérieurement. Les projets autorisés pourront donc être réalisés. Toutefois, lorsqu’il apparait qu’un tel projet se trouve en contradiction avec l’objectif de la planification, l’autorité communale pourrait, après avoir procédé à une pesée des intérêts en présence, décider de révoquer l’autorisation délivrée, à condition que les conditions d’une révocation soient réalisées dans le cas d’espèce. Une telle situation est toutefois extrêmement rare.
En pratique, l’adoption d’une zone réservée conduit généralement à une suspension des procédures d’autorisation de construire en cours en relation avec un bien-fonds compris dans la zone concernée. La décision de suspension est susceptible de recours.
Une autorisation de construire délivrée en relation avec une parcelle placée en zone réservée peut faire l’objet d’un recours de tout tiers bénéficiant de la capacité pour recourir au sens de la législation cantonale.
S’agissant de l’effet de la mesure sur les parcelles concernées, il y a lieu de noter qu’au stade de la création des zones réservées, leur affectation future est encore inconnue et qu’elles pourront ainsi subir des destins variés, comme par exemple un changement d’affectation (attribution à la zone touristique par exemple), une mise en attente (15 ans ou plus), ou un dézonage.
Les zones réservées sont des restrictions de droit public à la propriété, raison pour laquelle l’adoption d’une telle mesure doit en particulier répondre à l’exigence d’un intérêt public prépondérant et respecter le principe de la proportionnalité.
Les voies de recours contre la délimitation d’une zone réservée sont déterminées par la législation cantonale. Dans le cadre d’un recours, le recourant peut invoquer le fait que la mesure n’est pas conforme à la Constitution (fédérale ou cantonale), en particulier qu’elle ne répond pas à un intérêt public prépondérant ou que le principe de la proportionnalité a été violé. Il peut également faire valoir que la mesure ne tend pas à garantir dans les faits la mise en œuvre d’un futur plan d’affectation. A certaines conditions, il est également possible de contester l’instauration d’une zone réservée dans le cadre d’un recours contre un refus d’autorisation de construire qui résulterait de l’application d’une telle mesure.
Les chances de succès d’un recours apparaissent toutefois limitées, à tout le moins lorsqu’il s’agit de contester la mesure dans son principe même. En effet, le Tribunal fédéral considère que lorsque la zone réservée est créée pour une durée inférieure ou égale à cinq ans et dans le but de permettre à la commune de procéder à une adaptation des plans d’affectation des zones et de la réglementation y relative aux exigences de la nouvelle LAT, cette décision ne peut être qualifiée d’atteinte illicite à la garantie constitutionnelle de la propriété et n’ouvre donc pas la voie à une obligation d’indemnisation de la commune. En revanche, une telle démarche pourrait, lorsque les circonstances du cas d’espèce le justifient, éventuellement conduire à une adaptation de l’étendue de la zone réservée.
Cet article a été rédigé par Jacques Johner.