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En raison de la situation exceptionnelle liée à la pandémie du coronavirus, le Conseil fédéral a ordonné une suspension temporaire des poursuites. Cette suspension des poursuites aura effet du 19 mars 2020 au 4 avril 2020 et sera immédiatement suivie par les féries de poursuite qui durent du 5 avril au 19 avril 2020. Nous répondrons ci-dessous à quelques questions pratiques sur le droit des poursuites et faillites en temps de crise du coronavirus.
1. Que signifie «suspension des poursuites» ?
La suspension des poursuites est, dans une certaine mesure, un délai de grâce pour le débiteur. En général, durant cette période, aucune poursuite ne peut être intentée et les débiteurs ne peuvent pas se voir notifier des actes de poursuite. La suspension des poursuites déploie les mêmes effets que les féries, qui s’appliquent durant deux semaines à Noël, Pâques, et la seconde moitié du mois de juillet.
Une suspension des poursuites peut également être accordée en dehors de la crise du coronavirus. Cependant, elle s’applique alors uniquement à un débiteur spécifique, par exemple s’il effectue son service militaire, dans le cas d’un décès dans sa famille, ou en cas de maladie grave du débiteur.
Dans le cas d’une épidémie (ou pandémie) ou autre crise, le Conseil fédéral peut ordonner une suspension générale des poursuites pour certaines régions du pays ou certaines catégories de population. Le Conseil fédéral a maintenant fait usage de ce pouvoir, avec effet sur l’ensemble de la Suisse. Une telle suspension des poursuites n’avait plus été ordonnée à l’échelle nationale depuis 1914, au début de la première guerre mondiale.
2. Des poursuites peuvent-elle être initiées durant la suspension des poursuites ?
Les poursuites peuvent être initiées comme d’habitude en adressant une réquisition de poursuite à l’Office des poursuites. Toutefois, il n’est pas possible de mener à bien la procédure de poursuite en tant que telle. Bien que l’Office des poursuites enregistre la réquisition de poursuite, il ne notifiera le commandement de payer au débiteur qu’après l’expiration de la suspension des poursuites et les féries.
3. Que se passe-t-il pour les poursuites en cours ?
Les poursuites en cours ne peuvent pas continuer. L’Office des poursuites ne peut procéder à aucun acte de poursuite. Par exemple, aucun commandement de payer et aucune commination de faillite ne peuvent être notifiés, et aucune saisie et réalisation de biens ne peuvent être exécutées. Les procédures judiciaires qui ont une incidence sur les poursuites, comme les procédures de mainlevée, sont également suspendues. En outre, la procédure de faillite ne peut pas être initiée pendant la suspension des poursuites.
Cependant, bien qu’il ne puisse être procédé à aucun acte de poursuite, les délais liés aux poursuites ne sont pas suspendus et continuent de courir durant la suspension des poursuites et les féries. Toutefois, si la fin du délai intervient pendant cette période, le délai est prolongé jusqu’au troisième jour utile après la fin de la suspension et des féries – dans ce cas jusqu’au 22 avril 2020. Néanmoins, l’échéance des délais doit être examinée soigneusement dans chaque cas particulier, car tous les délais prévus par le droit des poursuites ne sont pas affectés par la suspension.
4. Que signifie la suspension des poursuites pour les contrats en cours ?
La suspension des poursuites ne signifie pas que tous les délais contractuels et légaux sont reportés. La suspension des poursuites a pour unique conséquence la suspension temporaire des poursuites liées à des créances en argent. En particulier, cela n’a pas d’impact sur le droit matériel.
Cela signifie que les créances peuvent devenir exigibles malgré la suspension des poursuites. Le créancier peut aussi interpeller le débiteur sans plus attendre. Le débiteur est ainsi mis en demeure et les conséquences de la demeure applicables à chaque cas individuel se produisent. Par exemple, le débiteur doit payer des intérêts moratoires sur une créance en argent ; le créancier peut se départir du contrat si le débiteur est en demeure ; des créances pour dommages-intérêts peuvent survenir, etc. De même, les délais légaux et contractuels comme les délais de paiement, les délais pour signaler des défauts, les délais de prescription, etc. ne sont pas affectés par la suspension des poursuites.
La question de savoir si la crise du coronavirus constitue un cas de force majeure et affecte les droits et obligations contractuels doit être examinée au cas par cas. Cependant, cela n’a pas de rapport avec la suspension des poursuites qui a été ordonnée.
5. Est- ce que la suspension des poursuites protège contre la faillite ?
La suspension des poursuites protège contre la faillite dans la mesure où les créanciers ne peuvent pas poursuivre les procédures de faillite durant cette période. Pendant la suspension des poursuites, aucune commination de faillite ne peut être notifiée, aucune procédure judiciaire concernant l’ouverture d’une faillite ne peut être fixée ni poursuivie, et les faillites ne peuvent pas être prononcées.
Cependant, le conseil d’administration a toujours l’obligation d’aviser le juge en cas de surendettement. Cette obligation pourrait devenir encore plus pertinente dans la crise actuelle du coronavirus, car il est nécessaire de passer d’une comptabilité à la valeur d’exploitation à une comptabilité à la valeur de liquidation si l’exploitation de la société pour les douze prochains mois ne semble plus certaine. Dans le cas où le conseil d’administration a avisé le juge du surendettement, le juge doit prononcer la faillite sans tenir compte de la suspension des poursuites.
6. Que se passe-t-il lorsque la suspension des poursuites se termine ?
Comme vu précédemment, la suspension des poursuites est immédiatement suivie des féries, qui durent jusqu’au 19 avril 2020. Il est possible, du moins à l’heure actuelle, que le Conseil fédéral ordonne à nouveau une suspension des poursuites pour la période qui suivra. Toutefois, il est probable que cette mesure soit tout au plus d’une durée limitée. Même dans la situation actuelle, une suspension des poursuites de longue durée n’est pas une mesure appropriée, car elle pourrait conduire à une situation où les dettes ne sont plus payées de manière générale, ce qui paralyserait complètement l’économie.
Après la fin de la suspension des poursuites et des féries, les poursuites peuvent reprendre sans restriction. De nombreuses sociétés connaîtront des difficultés financières en raison de la perte des revenus qu’elles ont subie.
Une solution envisageable dans ces cas peut être de requérir un sursis concordataire. S’il existe une perspective d’assainissement ou d’homologation d’un concordat, le juge du concordat accordera un sursis concordataire provisoire d’une durée maximale de quatre mois. Durant cette période, il ne peut être procédé à aucun acte de poursuite. En principe, un commissaire est désigné pour analyser de manière approfondie les perspectives d’assainissement ou d’homologation d’un concordat avec le débiteur et les créanciers. Si les perspectives sont positives, le juge peut alors accorder un sursis concordataire définitif pour une période de quatre à six mois