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Extraits choisis et remarques concernant la jurisprudence CDB 2019


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Deux fois par an, la Commission de surveillance (« Commission ») relative à la Convention de diligence des banques (éd. 2016) (« CDB ») publie ses décisions de principe sous forme de Circulaire de l’Association suisse des banquiers (« ASB »). La CDB a été révisée et la CDB 20 s’applique dès le 1er janvier 2020.

S’agissant de l’année 2019, nous retenons les décisions importantes suivantes, en résumé :

Premier semestre 2019 (cf. Circulaire ASB n° 8003) :

  • Champ d’application de la CDB: après avoir pris en considération divers éléments d’interprétation, la Commission est arrivée à la conclusion que la CDB ne se prononce pas avec une clarté suffisante sur la question de savoir si les banques sont soumises à la CDB ainsi que leurs filiales suisses n’ayant pas le statut de banque ou de négociant en valeurs mobilières. En considération de la réglementation peu claire de l’art. 1 CDB, la Commission a décidé qu’il n’existait pas une base légale suffisamment claire pour étendre les obligations de diligence aux filiales (suisses) des banques affiliées. La CDB 2020 n’est pas modifiée sur ce point.
  • Obligation de répétition des vérifications :
    • Il y a toujours un doute quant à la qualité d’ayant droit économique en cas de constatations inhabituelles. Un cas fréquent est celui des paiements ou des retraits au comptant, en raison du fait que ces opérations sont propres à interrompre le „paper trail“. La jurisprudence de la Commission selon laquelle un retrait au comptant de plus de 50’000 francs suisses doit être qualifié de constatation inhabituelle n’est cependant plus valable d’une manière aussi générale. Le cas d’espèce concernait cinquante retraits au comptant d’une valeur totale de plus de quatre millions de francs suisses. Cela constituait clairement une constatation inhabituelle qui aurait dû inciter la banque à procéder à la répétition des vérifications. La pratique de nombreuses banques suisses est de fixer des seuils concernant les opérations cash dans les règlements internes (souvent dans les directives anti-blanchiment). Les services de Compliance ou surveillance des transactions des banques doivent cependant se garder d’appliquer mécaniquement le seuil de 50’000 francs suisses de retraits en cash. En effet, de façon similaire l’OBA-FINMA, prévoit que, au chiffre 3.2.1 de son annexe traitant des indices de blanchiment de capitaux, des retraits fréquents de gros montants en espèces (sans indication de montant spécifique) sans que l’activité du client ne justifie de telles opérations, constituent un indice particulier de blanchiment. Par conséquent, les services compétents des banques doivent vérifier ou répéter les vérifications dès lors que des retraits cash fréquents interviennent et ne semblent pas justifiés par les circonstances, quand bien même en dessous du seuil de 50’000 francs suisses.
    • Dans le cadre d’une relation d’affaires avec une société de domicile étrangère, une banque a eu des doutes au sujet de l’exactitude de la déclaration concernant l’ayant droit économique faite au moyen d’une formule A. La banque a toutefois renoncé à répéter la procédure d’identification de l’ayant droit économique, mais a procédé au blocage du compte ainsi qu’à une dénonciation au Bureau de communication en matière de blanchiment d’argent (MROS). Cette action est conforme aux obligations de diligence. La banque peut en effet renoncer à des clarifications complémentaires, si elle décide de rompre la relation d’affaires douteuse, dans la mesure où les conditions de l’obligation de communiquer au sens de l’art. 9 LBA ne sont pas remplies. En revanche, comme en l’espèce, lorsqu’il existe une obligation de communiquer conformément à l’art. 9 LBA, le fait que la banque, au lieu de procéder à des clarifications complémentaires, bloque le compte et communique ses soupçons au MROS, n’est pas critiquable, puisque cela résulte de l’application de la loi. Pratiquement, il existe fréquemment des ambiguïtés au sein de la banque spécialement pendant la procédure interne d’enquête ou de clarification concernant l’absence ou non de soupçons fondés requérant une dénonciation sans délai au MROS en application de l’art. 9 LBA. En appliquant la jurisprudence précitée (de même que la jurisprudence du TF, ATF 136 IV 188), il convient à notre avis que la banque applique de façon stricte les obligations de clarifications et dénonce sans délai lorsque les conditions de la LBA sont remplies. C’est le moyen de ne pas prendre le risque de commettre un acte de blanchiment par omission (dû au devoir spécial de garant de la banque et de ses organes) et il n’existe pas de risque juridique, puisque la LBA justifie toute violation (théorique) du secret bancaire résultant d’une dénonciation.
    • Une banque a noué une relation d’affaires avec un ressortissant français puis avec son épouse, ressortissante américaine. La fortune de l’époux provenait principalement d’opérations immobilières, alors que la fortune de l’épouse provenait d’une succession. Ensuite, les époux ont transféré leurs avoirs placés jusque-là de manière séparée sur un compte nouvellement ouvert au nom d’une société de domicile étrangère. La société de domicile a dès lors déclaré au moyen d’une formule A que l’époux et l’épouse étaient les ayants droit économiques des valeurs mobilières détenues sous la relation nouvellement ouverte. Ensuite, la banque a reçu une nouvelle formule A pour le compte de la société de domicile selon laquelle, désormais, seul le mari était ayant droit économique. La banque a accepté la modification de l’ayant droit économique sans demander aucune autre clarification ou document complémentaire. Le changement d’ayant droit économique du compte de la société de domicile plusieurs années après que la relation d’affaires ait été nouée commandait clairement que la banque procède à des clarifications complémentaires. En effet la banque doit le faire non seulement lorsqu’elle est certaine que la déclaration concernant l’ayant droit économique n’est pas exacte, mais également s’il existe un soupçon que la déclaration du cocontractant pourrait ne pas être exacte. Ces vérifications incombent généralement aux onboarding officers de la banque, qui s’occupent de vérification de routine des clients et de l’application de la CDB. Leurs procédures et pratique internes commandent généralement d’être proactifs et de demander aux clients ou aux ADE s’il existe un quelconque changement de circonstances. Bien évidemment, lorsque, comme en l’espèce, d’importants changements de structure interviennent, surtout dans le cadre des nexus FATCA, il convient de creuser les raisons de tels changements et non de s’en satisfaire sans explications.

Second semestre 2019 (cf. Circulaire ASB n° 8025) :

  • Question de procédure: Une banque a objecté que le chargé d’enquête CDB a conclu à tort à la violation de ses devoirs de diligence selon la CDB en se fondant sur des clarifications opérées par la banque en application de l’art. 6 de la Loi sur le blanchiment d’argent (« LBA »). La Commission a rejeté cette objection comme mal fondée. La LBA stipule des obligations de diligence particulières (art. 6 LBA) en complément des obligations de diligence résultant de l’application de la CDB, lesquelles exigent qu’en présence de transactions ou de relations d’affaires inhabituelles, l’intermédiaire financier clarifie leur arrière-plan et leur but. Le chargé d’enquête n’est pas compétent pour instruire le respect par la banque de ses devoirs selon l’art. 6 LBA (cf. art. 60 al. 2 CDB). Cependant, une transaction ou une relation d’affaires inhabituelle au sens de la législation en matière de blanchiment d’argent peut constituer également une constatation inhabituelle au sens de la CDB propre à déclencher des obligations de clarification selon les règles de la CDB. Lorsque, comme en l’espèce, plus de 50 transactions au comptant d’un volume de plus d’un million de francs suisses ont été effectuées, ce fait ne déclenche pas seulement des obligations de clarification selon la LBA mais aussi des obligations de répétition des clarifications selon l’art. 46 CDB, entraînant la compétence du chargé d’enquête CDB. Par conséquent, cela signifie en pratique que lorsqu’une banque constate des transactions inhabituelles, elle doit s’attendre à ce qu’il existe une double compétence : celle des autorités LBA et celle du chargé d’enquête CDB. En pratique, il sera commun que deux services différents d’une banque examinent les dispositions ; en effet, souvent les onboarding officers se chargent d’appliquer la CDB, alors que le service Compliance ou une subdivision dédiée à la surveillance des transactions vérifie la conformité à la LBA. Il convient ainsi que les banques n’adoptent pas comme ligne de défense que seules les obligations CDB ou LBA ont été concernées, et s’assurent que les deux types d’obligations ont été prises en considération.
  • Valeur du Commentaire de la CDB émis par l’ASB: De façon surprenante, la Commission a jugé qu’elle n’est pas liée par le Commentaire CDB émis par l’ASB servant à l’interprétation de la CDB. La Commission a ainsi rejeté l’objection d’une banque selon laquelle la CDB était un contrat entre l’ASB et les banques signataires, dont l’interprétation était régie par les règles générales applicables à l’interprétation des contrats, en particulier la règle de la bonne foi avec pour conséquence que les banques pouvaient se fier à l’interprétation de l’ASB publiée dans le Commentaire CDB. Les décisions de la Commission ne pouvant ainsi s’écarter du Commentaire CDB au préjudice de la banque. Au contraire et à l’appui de son raisonnement, la Commission se base principalement sur le fait que la FINMA n’a pas jugé que le Commentaire CDB émis par l’ASB est une norme minimale d’autorégulation, au contraire de la CDB elle-même. Ainsi, la CDB est une norme de droit règlementaire, bien évidemment non soumise aux règles de droit privé concernant l’interprétation des contrats.
  • Dans un chapitre traitant de la mesure de l’amende conventionnelle, la Commission répète qu’à l’avenir les banques ne pourront plus se prévaloir du Commentaire ASB. Dans le cadre de ses obligations de diligence, la banque doit se tenir régulièrement informée de la jurisprudence de la Commission et doit s’assurer qu’elle ne contrevient pas à cette jurisprudence. D’éventuelles violations des obligations de diligence postérieurement à la publication de la jurisprudence ci-dessus seront par conséquent sanctionnées, dès lors qu’à l’avenir les banques ne pourront plus se prévaloir d’une absence de faute. Cela étant, alors même que l’art. 3 CDB stipule que l’ASB édicte un commentaire des articles de la CDB et qu’il convient de se fonder sur ce commentaire pour l’interprétation de la CDB, le fait que la Commission affirme que le commentaire CDB ne lie aucunement pour l’interprétation de la CDB semble contraire au texte même de cet art. 3 CDB. Il n’est à notre sens pas exclu qu’il existe sur ce point un revirement de jurisprudence de la Commission.
  • Obligation d’identification des détenteurs de contrôle: Selon l’art. 25 al. 1 CDB, aucune déclaration relative aux détenteurs de contrôle n’est exigée des sociétés et communautés qui ont pour but la sauvegarde des intérêts de leurs membres ou de leurs bénéficiaires collectivement et par leurs propres moyens, ou qui poursuivent des buts politiques, religieux, scientifiques, artistiques, de bienfaisance, de récréation ou des buts analogues, pour autant qu’elles se tiennent exclusivement aux buts précités et ne présentent pas de lien reconnaissable avec des pays à risque accru. La disposition de l’art. 25 al. 1 CDB doit au être interprétée dans le sens qu’elle s’applique à toutes les sociétés opérationnelles qui revêtent la forme d’une personne morale, y compris les fondations et les associations, ou d’une société de personnes et ce, indépendamment de leur forme juridique, pour autant qu’elles poursuivent exclusivement un but idéal, respectivement d’intérêt public, et ne présentent pas de lien reconnaissable avec des pays à risques accru.
  • Obligation d’identification de l’ayant droit économique: Selon l’art. 39 al. 4 let. a CDB, les sociétés de domicile, qui ont pour but la sauvegarde des intérêts de leurs membres ou de leurs bénéficiaires collectivement et par leurs propres moyens ou qui poursuivent des buts politiques, religieux, scientifiques, artistiques, de bienfaisance, de récréation ou des buts analogues, n’ont pas l’obligation de remettre une déclaration relative à l’identification des ayants droit économiques, pour autant qu’elles se tiennent exclusivement aux buts précités. Selon le raisonnement et la décision de la Commission, de telles sociétés de domicile ne sont dispensées de fournir une déclaration concernant l’ayant droit économique, que pour autant qu’elles ne présentent également aucun lien avec des pays à risques.
  • Obligations d’identification en lien avec des fondations: La question de savoir si et sous quelle forme les détenteurs de contrôle d’une fondation doivent être identifiés s’apprécie en fonction des règles générales des art. 20 ss CDB. S’agissant de l’identification de l’ayant droit économique (fondations n’ayant pas d’activité opérationnelle), l’art. 40 CDB dispose, sans aucune exception, que les banques doivent obtenir du cocontractant, c.-à-d. de la fondation, les informations nécessaires en prélevant une formule S. Selon le commentaire CDB émis par l’ASB, les banques peuvent toutefois renoncer à identifier l’ayant droit économique d’une fondation et à obtenir une formule S, lorsque la fondation poursuit exclusivement un but idéal. Ainsi que cela a été mentionné plus haut, la Commission a considéré que le Commentaire CDB n’est pas impératif ; elle a ainsi considéré que les banques doivent également obtenir une formule S, lorsque la cocontractante est une fondation à but idéal. Ce raisonnement a déjà été critiqué par une auteure de doctrine, principalement au motif que la Commission s’éloigne sans raison de la pratique, basée effectivement sur le Commentaire CDB. En effet, l’auteure estime que les dispositions de la CDB relatives aux détenteurs de contrôle et non à l’ayant droit économique doivent s’appliquer (cf. Natacha A. Polli, 15 Apr 2020). A notre sens, l’articulation des chapitres de la CDB traitant des entités opérationnelles requérant l’identification des détenteurs de contrôle et des chapitres de la CDB sur les entités non opérationnelles exigeant l’identification de l’ayant droit économique classique peut s’interpréter des deux façons ci-dessus, suivant que le lecteur fasse ou non une interprétation très stricte de l’obligation de déclarer le propriétaire ultime des valeurs patrimoniales. Ce qui pose problème à notre sens, tel qu’indiqué ci-dessus, est le fait que la Commission considère que le Commentaire CDB est seulement indicatif, ce qui semble contraire à la lettre de l’art. 3 CDB.
  • Obligation de répétition des vérifications: Selon la jurisprudence de la Commission, les banques ont l’obligation de répéter la vérification de l’identité du cocontractant et d’identifier l’ayant droit économique, lorsque le cocontractant de la banque a fusionné.

Nous sommes à disposition pour toute question concernant ce qui précède (CV Eric Favre).


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