Vos contacts
Les entités suisses qui font des affaires avec des entités situées dans la Fédération de Russie devraient, si possible, revoir et adapter leurs perspectives commerciales et leurs contrats compte tenu du risque accru de sanctions prises à l’encontre de la Fédération de Russie en cas d’incursion territoriale en Ukraine.
I. Aperçu du climat géopolitique actuel
Ce n’est un secret pour personne que les tensions sont vives à la frontière russo-ukrainienne. D’une part, la Fédération de Russie estime qu’elle est confrontée à une menace existentielle pour sa sécurité nationale si l’Ukraine est autorisée à rejoindre l’UE ou l’OTAN. D’autre part, les États-Unis et certains membres de l’UE et de l’OTAN estiment que la Fédération de Russie fomente une invasion de l’Ukraine. Ils menacent la Fédération de Russie de sanctions économiques, entre autres mesures, si elle venait à empiéter sur le territoire ukrainien.
II. Aperçu des sanctions actuelles contre certains intérêts russes et des contre-sanctions russes
Les sanctions économiques étant généralement la conséquence de choix de politique étrangère, les États invoquent de multiples raisons pour mettre en place des régimes de sanctions. Les États-Unis ont promulgué des sanctions à la suite de plusieurs événements, tels que la mort du comptable russe Sergueï Magnitski, l’annexion de la Crimée, l’ingérence dans l’élection américaine de 2016, l’empoisonnement de Sergueï et Ioulia Skripal, etc. Ces sanctions ont eu pour effet d’interdire à certains individus de nationalité russe de se rendre aux États-Unis ou d’utiliser le système bancaire américain, d’expulser des diplomates russes, d’interdire certaines exportations à double usage vers la Russie et d’interdire l’importation de denrées alimentaires, entre autres.
Certains de ces événements, parmi d’autres, ont conduit d’autres pays, comme le Canada, la Norvège, l’Australie, le Royaume-Uni, le Japon et les membres de l’Union européenne, à adopter des régimes de sanctions similaires à des degrés divers.
La Suisse a également adopté des mesures, mais uniquement pour empêcher le contournement des sanctions internationales liées à la situation en Ukraine. Elles ne suivent pas les mesures prises par l’UE.
La Fédération de Russie a également promulgué des contre-sanctions, notamment en interdisant à certains politiciens américains, canadiens et européens d’entrer sur son territoire, ou en mettant en place un embargo d’un an sur les produits agricoles provenant de pays ayant promulgué des sanctions similaires à son encontre. La Fédération de Russie a également décrété des sanctions contre l’Ukraine, notamment en interdisant son espace aérien aux avions ukrainiens.
III. Sanctions envisagées
En supposant que les forces militaires de la Fédération de Russie pénètrent sur le territoire ukrainien, plusieurs nations, dont les États-Unis, le Royaume-Uni et le Canada, ainsi que les pays de l’Union européenne, devraient imposer des sanctions “sans précédent” à la Fédération de Russie. Bien que personne ne sache exactement ce que ces sanctions pourraient impliquer, voici quelques idées à prendre en considération :
- Interdire l’accès aux dollars américains et/ou aux euros ;
- Bloquer l’accès aux marchés obligataires internationaux ;
- Mettre sur liste noire des institutions financières et d’autres entités ;
- Interdire l’exportation de certains biens ;
- Imposer des restrictions énergétiques (par exemple, Nord Stream 2) ;
- Interdire le survol de l’espace aérien souverain ; ou
- Imposer des sanctions individuelles supplémentaires.
Nul ne connaît la façon dont les autorités suisses réagiront et si elles modifieront leurs propres sanctions, ce qui compliquerait encore le processus décisionnel des entreprises suisses.
On ignore également si la Fédération de Russie adoptera ses propres contre-sanctions à l’encontre des entreprises qui suivent les régimes de sanctions adoptés par ces pays, y compris les entités suisses.
IV. Conséquences potentielles pour les entités suisses
Les sanctions sont paralysantes, tant pour les cibles des sanctions que pour les partenaires contractuels qui sont en relation contractuelle avec elles. Par exemple, pour se conformer aux sanctions, les entités suisses devraient notamment :
- Ne pas exécuter leurs obligations contractuelles (par exemple, le blocage des comptes bancaires) ;
- Ne pas se faire payer (par exemple, participer à une procédure de faillite étrangère, obtenir des fonds par le biais du système bancaire, etc.) ;
- Ne pas pouvoir récupérer les biens situés dans les zones ciblées ; et
- Ne pas pouvoir obtenir de réparation judiciaire si la monnaie du contrat est une monnaie que la cible des sanctions ne peut pas utiliser (article 84 du Code suisse des obligations).
Il existe donc un risque sérieux que des entités suisses se retrouvent dans des situations compliquées si elles ne sont pas en mesure d’anticiper les sanctions potentielles à l’encontre de leurs partenaires contractuels situés dans la Fédération de Russie, en particulier si leurs contrats ne contiennent pas une clause de résiliation immédiate en cas de sanctions.