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Si moins d’un contribuable suisse sur mille est aujourd’hui imposé au forfait, ce nombre risque encore de diminuer dès lors que de nouvelles règles plus strictes en la matière sont appliquées par la Confédération et les cantons depuis le 1er janvier 2016. Par ailleurs, la période de transition de cinq ans, applicable à tous les contribuables imposés d’après la dépense aux conditions de l’ancienne loi, prendra fin en janvier 2021.
Les nouveaux forfaits fiscaux
Les modifications suivantes sont entrées en vigueur en janvier 2016, par modification de la LHID et de la LIFD :
- la dépense universelle, soit la base de calcul, doit désormais correspondre à au moins sept fois le montant du loyer annuel ou de la valeur locative du logement du contribuable;
- un seuil minimal de CHF 400’000.- a été introduit pour l’impôt fédéral direct. Chaque canton devra également définir, comme bon lui semble, un montant minimal ;
- dorénavant, les deux époux faisant ménage commun doivent remplir l’ensemble des conditions de l’art. 14 LIFD pour pouvoir prétendre à l’imposition d’après la dépense, (auparavant il suffisait que l’un des deux les remplisse) ;
- la possibilité pour un Suisse rentré au pays après 10 ans d’absence de bénéficier du forfait l’année où il revient au pays est supprimée ;
- les cantons ont désormais l’obligation de tenir compte de l’impôt sur la fortune pour fixer le montant de l’impôt d’après la dépense.
La Circulaire no 44 de l’Administration fédérale des contributions
Parue le 24 juillet 2018, la Circulaire no 44 de l’Administration fédérale des contributions (AFC) était très attendue, dès lors que la précédente Circulaire (no 9), datait de 1993. La nouvelle circulaire a pour but de préciser les divers changements mentionnés ci-dessus.
Il convient de relever les nouveautés suivantes :
- Absence de nationalité suisse
Selon l’art- 14 al. 1 LIFD, les personnes physiques ont le droit d’être imposées d’après la dépense si elles n’ont pas la nationalité suisse. Ainsi, le droit à l’imposition d’après la dépense cesse lorsque le contribuable concerné acquiert la nationalité suisse.
La Circulaire précise que les époux vivant en ménage commun ne peuvent pas prétendre à l’imposition d’après la dépense si l’un deux possède la nationalité suisse.
Le fait que l’un des deux époux vivant en ménage commun ait ou acquiert la nationalité suisse entraîne la perte, pour les deux époux, du droit à l’imposition d’après la dépense.
A notre sens, il existe actuellement des couples dont l’un des époux possède la nationalité suisse. On peut donc aisément se demander comment doit procéder un/e ressortissant étranger au forfait, marié à un/e Suisse, désireux de continuer à bénéficier du forfait fiscal. Sa seule solution serait-elle de divorcer ?
Quid de l’enfant ? Devons-nous ainsi comprendre que l’enfant mineur d’un couple imposé au forfait, qui acquiert la nationalité suisse via la procédure de naturalisation facilitée (après résidence en Suisse pendant 5 ans), doit faire l’objet d’une imposition séparée ? Cette configuration nous paraît quelque peu incongrue.
- Retour au forfait fiscal
Il convient de noter que la personne qui était précédemment imposée d’après la dépense lors de son départ de Suisse et qui retourne en Suisse peut à nouveau être imposée selon la dépense, indépendamment du délai de dix ans. C’est une modification importante dès lors que Genève et d’autres cantons alémaniques interdisaient cette pratique auparavant.
Par ailleurs, le contribuable qui renonce à l’imposition au forfait pour être imposé de manière ordinaire ne peut plus, “en règle générale”, être imposé à nouveau d’après la dépense. Il sera intéressant de voir comment les autorités fiscales cantonales interpréteront le terme “en règle générale”.
- Dépense universelle
La dépense universelle doit désormais correspondre à au moins sept fois le montant du loyer annuel ou de la valeur locative du logement du contribuable. A cet égard, la Circulaire prévoit désormais explicitement que si le contribuable dispose de plus d’un bien immobilier en Suisse (en tant que propriétaire ou locataire), la valeur locative ou le loyer annuel le plus élevé doit être pris en compte pour le calcul du multiple, même s’il ne s’agit pas de la résidence principale du contribuable. On tiendra aussi compte du loyer ou de la valeur locative des autres immeubles du contribuable pour fixer le montant de la dépense afférente au train de vie.
Cette nouveauté est particulièrement importante pour les contribuables qui ont pour résidence principale un plus petit appartement que celui loué ou acheté en Suisse pour les week-end et les vacances.
Pour les contribuables genevois, il convient de rappeler que le 7 février 2018, le Conseil d’Etat, face à pression politique, a décidé de surseoir à l’indexation quadriennale de la valeur locative de leur bien prévue à 7,9%. L’indexation a seulement été suspendue, de sorte que les choses pourraient changer pour les forfaitaires dont la base imposable augmentera en fonction de la hausse de la valeur locative de leur logement.
- Calcul de contrôle
Le calcul de contrôle reste inchangé. Cependant, dans ce contexte, la nouvelle Circulaire précise qu’entrent en ligne de compte au titre de revenus des capitaux mobiliers placés en Suisses, les revenus qui sont de source suisse. L’origine suisse signifie que l’émetteur du titre doit être domicilié en Suisse, alors que le lieu où le titre est physiquement stocké n’a pas d’importance. Par contre, tous les comptes-courants ou comptes-épargnes ouverts auprès de banques suisses doivent être déclarés, peu importe la devise dans laquelle ils sont libellés.
D’autre part, le revenu brut qui doit être déclaré dans le calcul du contrôle annuel comprend également les revenus d’origine étrangère – tels que les dividendes, intérêts et redevances – pour lesquels le contribuable requiert un dégrèvement partiel ou total d’impôts étrangers en application d’une convention de double imposition.
Suite à l’entrée en vigueur de l’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers (EAR) en 2017, des informations financières sur des comptes à l’étranger peuvent être échangées avec les Etats partenaires.
Les contribuables suisses qui sont imposés d’après la dépense sont soumis au principe de la dépense universelle. Si un forfaitaire n’a pas déclaré certains actifs suisses (par exemple des actifs ou immeubles détenus à travers une holding luxembourgeoise qualifiée de « passive NFE »), une fois la Suisse ayant reçu l’information, une procédure pour soustraction ou pour tentative de soustraction d’impôt pourrait être ouverte par l’administration fiscale cantonale compétente. Selon notre opinion, une société dite passive NFE pour les fins de l’échange automatique ne doit pas forcément être regardée en transparence fiscale pour les fins de la taxation. Les contribuables ayant ce type de structures d’investissement sont bien avisés de s’assurer du traitement que le fisc leur accordera, dès lors que la circulaire n’apporte aucun élément de réponse à cet égard.
Conclusion
Avec le durcissement des conditions pour bénéficier du forfait fiscal, on ne peut exclure de voir quelques résidents étrangers privilégiés quitter la Suisse pour rejoindre des pays plus attractifs sur le plan fiscal. Par ailleurs, avec l’augmentation des valeurs minimales pour bénéficier de l’imposition d’après la dépense, il est certain que de nombreux « petits forfaits » disparaîtront.
Comme expliqué ci-dessus, la nouvelle Circulaire laisse une marge d’interprétation et ne lève pas toutes les incertitudes.. Les contribuables au forfait sont bien avisés de vérifier que leur situation est conforme à la nouvelle pratique et devront surveiller la manière dont les autorités fiscales cantonales appliqueront la circulaire fédérale.