Vos contacts
Les chambres parlementaires suisses ont approuvé le nouveau droit successoral en date du 18 décembre 2020. Comme la modification proposée[1] n’a pas fait l’objet d’un référendum dans le délai référendaire ayant expiré le 12 avril 2021, le Conseil fédéral a décidé lors de sa séance du 19 mai 2021 qu’elle entrerait en vigueur le 1er janvier 2023.
Historique
Pour rappel, la révision du droit des successions suisse occupe les chambres fédérales depuis plusieurs années. En effet, la motion « Gutzwiller » visant à moderniser le droit des successions a été déposée au Parlement le 17 juin 2010 déjà. Sur cette base, le Conseil fédéral a été chargé de revoir et d’assouplir le droit des successions, notamment les dispositions sur les réserves héréditaires, afin qu’il réponde aux exigences actuelles et à l’évolution de la société, certains articles du droit des successions du Code civil suisse datant de plus d’un siècle !
Suite aux étapes habituelles pour l’adoption d’une nouvelle loi (procédure de consultation des cantons et des partis politiques, rapport explicatif, avant-projet, message et projet de loi du Conseil fédéral, délibérations parlementaires, etc.), le texte définitif proposée par l’Assemblée fédérale a finalement été adopté et son entrée en vigueur fixée au 1er janvier 2023 par le Conseil fédéral.
Principales modifications
Réserves héréditaires
L’idée centrale du nouveau droit successoral réside dans l’augmentation de la liberté de disposer du testateur au moyen d’une réduction des réserves légales (minimum garanti sur l’héritage). Les réserves héréditaires des descendants passent de ¾ de leur droit de succession à ½ de leur droit de succession. La part réservataire des parents (actuellement de ½ de leur droit de succession) est, quant à elle, totalement supprimée. Néanmoins, la réserve légale pour le conjoint ou le partenaire enregistré survivant est maintenue à ½ de leur droit de succession.
En résumé, la réserve est désormais de ½ de la part successorale attribuée par la loi aux descendants et au conjoint ou partenaire enregistré survivant. Cela permettra à chacun de disposer plus librement et dans une plus grande mesure de ses biens, en favorisant davantage les personnes de son choix.
Tableau synoptique des réserves héréditaires et de la quotité disponible pour les cas les plus fréquents :
Les exemples dans le tableau ci-dessus font systématiquement apparaître une augmentation de la quotité disponible entre le droit actuel et le droit qui sera en vigueur dès le 1er janvier 2023 (à l’exception du cas où le défunt laisse uniquement un conjoint ou un partenaire enregistré).
Perte de la réserve héréditaire pendant la procédure de divorce ou en dissolution
Selon le droit en vigueur, les époux cessent d’être les héritiers réservataires et légaux l’un de l’autre seulement une fois divorcés, soit une fois le jugement de divorce entré en force. Avec le nouveau droit, en cas de décès pendant la procédure de divorce, le conjoint survivant perdra (à certaines conditions) sa qualité d’héritier réservataire. Les mêmes principes s’appliqueront bien entendu par analogie si le décès intervient pendant une procédure de dissolution de partenariat enregistré. Toutefois, le conjoint ou partenaire enregistré survivant restera héritier légal jusqu’à l’entrée en force de la décision de divorce ou de dissolution. Cela signifie qu’en l’absence de testament excluant le conjoint ou partenaire enregistré survivant, celui-ci conservera son droit à sa part successorale en cas de décès avant l’entrée en force de la décision de divorce ou de dissolution. Il sera donc fondamental de prendre des nouvelles dispositions testamentaires lorsqu’on initie une procédure de divorce ou de dissolution du partenariat enregistré.
Augmentation de la quotité disponible en présence d’un usufruit en faveur du conjoint ou du partenaire enregistré survivant
Dans cette hypothèse, la quotité disponible passe de ¼ de la succession à ½ de la succession. Ainsi, le conjoint ou partenaire enregistré survivant qui se verra favorisé au maximum par le testateur (en concours avec ses descendants) bénéficiera en pleine propriété de la quotité disponible, soit de ½ de la succession (au lieu de ¼ actuellement), et du reste, soit de l’autre moitié de la succession, en usufruit.
Clarification du traitement de l’attribution d’une part supplémentaire du bénéfice au conjoint ou au partenaire enregistré survivant par contrat de mariage ou convention sur les biens
Selon le droit en vigueur, il est possible d’attribuer à l’autre époux l’entier du bénéfice réalisé pendant l’union conjugale par contrat de mariage. La question de savoir si l’attribution d’une part supplémentaire du bénéfice au conjoint survivant par contrat de mariage constitue une libéralité entre vifs ou à cause de mort demeure toutefois incertaine. Ainsi, le nouveau droit tranche de manière définitive cette question en prévoyant que l’attribution de l’entier du bénéfice au conjoint ou au partenaire enregistré survivant doit être qualifiée de libéralité entre vifs. Avec cette solution, la masse de calcul des réserves sera plus élevée et les réserves de tous les héritiers réservataires (descendants communs, descendants non communs et conjoint ou partenaire enregistré survivant) seront calculées de la même manière.
Conclusion et Prochaines étapes
Les changements législatifs en droit des successions prévus pour le 1er janvier 2023 sont significatifs. A ce titre, il convient d’ores et déjà de commencer à mettre à jour sa planification successorale et notamment de clarifier si la « réduction à la réserve légale d’un héritier » figurant dans un testament rédigé avant le 1er janvier 2023 doit être interprétée à l’aune de l’ancien ou du nouveau droit.
Par ailleurs, il sera également de bon conseil de prendre de nouvelles dispositions testamentaires à compter du 1er janvier 2023 pour exclure son conjoint ou partenaire enregistré en cas de procédure de divorce ou en dissolution pendante à partir de cette date.
En parallèle, cette révision du droit des successions facilitera également la transmission successorale d’une entreprise familiale[2]. A ce sujet, le Conseil fédéral a proposé des mesures législatives supplémentaires qui ont pour l’heure été accueillies favorablement lors de la procédure de consultation[3]. Son message sera sans doute présenté au parlement dans le courant de cette année pour une potentielle entrée en vigueur des nouvelles dispositions légales relatives à la transmissions d’entreprises par succession également au 1er janvier 2023. D’un point de vue chronologique, il serait effectivement cohérent de fixer une unique date d’entrée en vigueur pour toutes les modifications législatives concernant le droit suisse des successions.
Pour conclure, relevons encore qu’une modification du chapitre 6 de la loi fédérale sur le droit international privé est également en cours. Cette révision cherche à coordonner le système avec le règlement européen sur les successions internationales dans le but, notamment, d’accorder la possibilité aux Suisses ayant une double nationalité de choisir le droit (professio juris) et la compétence du pays de leur autre nationalité pour le règlement de leur succession. Nul doute que ces modifications viendront également chambouler les habitudes suisses en la matière !
Cet article est aussi disponible en anglais et en allemand.
[1] FF 2020 9617, Code civil suisse (Droit des successions), Modification du 18 décembre 2020 (https://www.fedlex.admin.ch/eli/fga/2020/2688/fr).
[2] Pour plus d’informations sur cette question voir publication « Transmission d’entreprises par succession – Aperçu des modifications législatives à venir » du 21.04.21 (https://mll-legal.com/wp-content/uploads/2021/04/16_Stephenson_Fokiades-1.pdf).
[3] Avant-projet de révision du code civil (transmission d’entreprises par succession) du 10 avril 2019 (https://www.bj.admin.ch/dam/bj/fr/data/gesellschaft/gesetzgebung/erbrecht/unternehmensnachfolge/vorentw-f.pdf.download.pdf/vorentw-f.pdf).