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Nouveau règlement genevois sur l’énergie : principales modifications


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Genève avance vers la transition énergétique : le Conseil d’Etat a adopté le 13 avril 2022 une modification du Règlement d’application de la Loi cantonale sur l’énergie. La quasi-totalité du parc immobilier genevois sera touchée par les nouvelles mesures, dont la plupart entreront en vigueur le 1er septembre 2022. Notre contribution contient un bref aperçu des principales modifications auxquelles seront confrontés les propriétaires à compter de cette date.

But de la modification règlementaire et entrée en vigueur

Aujourd’hui, le parc bâti représente à lui seul plus de 50% de la consommation énergétique du canton de Genève. Le chauffage des bâtiments et la production d’eau chaude sanitaire sont assurés à 90% par des systèmes à base d’énergies fossiles. La Feuille de route 2018-2023 du Département du territoire prévoit de renforcer l’efficacité énergétique des bâtiments et le recours aux énergies renouvelables et locales en substitution des énergies fossiles. L’adoption du plan directeur de l’énergie 2020-2030 (PDE) et du plan climat cantonal 2030 (PCC) imposent de modifier le règlement d’application de la Loi sur l’énergie du 31 août 1988 afin d’accélérer la transition énergétique du parc bâti et sortir des énergies fossiles.

La mise en œuvre du nouveau règlement d’application sur l’énergie (REn) a ainsi pour principal but l’optimisation et la rénovation énergétiques de la majorité du parc bâti genevois. Les modifications portent essentiellement sur :

  • l’abaissement du seuil de l’indice de dépense de chaleur (IDC) à 450 MJ/m2/an;
  • la substitution des énergies fossiles en faveur des énergies renouvelables lors du changement des installations de production de chaleur (chaudières).

Ces deux principales modifications sont applicables à tous les propriétaires du parc bâti du canton, y compris les personnes morales.

Le REn, adopté le 13 avril 2022 par le Conseil d’Etat genevois, est entré en vigueur le 22 avril 2022. Toutefois, les modifications présentées dans cet article ne s’appliquent qu’aux requêtes en autorisation de construire et en autorisation énergétique déposées à partir du 1er septembre 2022 (article 30 REn). Les dossiers déposés avant le 1er septembre 2022 restent quant à eux soumis à l’ancienne règlementation.

Indice de dépense de chaleur (articles 14 et 14A REn)

A compter du 1er septembre 2022, le seuil de l’indice de dépense de chaleur (IDC) passera de 800 MJ/m2/an à 450 MJ/m2/an. Un dépassement de ce seuil déclenche pour le propriétaire l’obligation d’entreprendre des mesures d’amélioration énergétique de son ou ses bâtiment(s), à ses frais.

Ainsi lorsque l’IDC moyen des trois dernières années est supérieur à 450 MJ/m2/an, l’Etat procèdera à un audit énergétique pour déterminer les mesures d’amélioration énergétiques minimum à effectuer. Par mesures d’amélioration, on entend toutes mesures d’optimisation énergétique définies par le cahier technique SIA 2048 et toute mesures permettant une réduction de la consommation énergétique du bâtiment. On peut notamment penser à l’isolation des conduites, installation de pompes à chaleur (PAC) ou de vannes thermostatiques. Il va de soi que le propriétaire peut procéder à des travaux de rénovation énergétique plus importants. Le délai pour effectuer l’audit et les travaux est d’un an à compter de l’entrée en vigueur de la décision d’assainissement rendue par le département.

En revanche, lorsque l’IDC moyen des trois dernières dépasse le seuil de 800 MJ/m2/an (dépassement significatif), le propriétaire a l’obligation de procéder à des travaux de rénovation énergétique de son ou ses bâtiment(s) en vue d’atteindre la valeur cible de 450 MJ/m2/an. Par travaux de rénovation énergétique, il faut notamment entendre tous travaux d’isolation de l’enveloppe thermique du bâtiment, le changement d’agent énergétique, la pose de capteurs solaires et/ou la mise en place d’un système de récupération des rejets de chaleur. Le délai pour effectuer ces travaux est dans ce cas fixé à trois ans.

En cas de non-respect des délais précités, le propriétaire concerné s’expose à une amende administrative couplée à l’obligation d’effectuer les travaux énergétiques requis.

Afin de donner une certaine visibilité aux propriétaires immobiliers dans la planification de leurs opérations de rénovation, un abaissement progressif du seuil de dépassement significatif a en outre été programmé sur une période de dix ans:

  • 2022 : IDC > 800 MJ/m2/an
  • 2027 : IDC > 650 MJ/m2/an
  • 2031 : IDC > 550 MJ/m2/an

Dans les cas suivants, le département peut octroyer des dérogations à l’exécution des mesures exposées ci-dessus :

  • Les bâtiments dont l’affectation est hors des catégories définies par la norme SIA 380/1, édition 2016 (valeurs limites et valeurs cibles pour la demande en énergie de chauffage).
  • Les bâtiments classés, inscrits à l’inventaire ou situés dans les zones protégées de la Vieille-Ville ou du Vieux-Carouge.
  • En raison de non-faisabilité technique démontrée par le propriétaire.
  • Les propriétaires qui apportent la preuve qu’ils sont dans l’incapacité de financer les mesures d’amélioration et d’assainissement énergétiques. A cet égard, l’on relèvera néanmoins que l’Etat a mis en place des mesures incitatives, telles que le Programme Bâtiment (CHF 30 millions de subventions en 2022), Actions GEnergie et des solutions de financement et d’incitations fiscales.

Les étapes de la mise en œuvre de cette modification se distinguent selon s’il s’agit d’un bâtiment comprenant moins de cinq preneurs de chaleur (p. ex: villas ou petit immeuble) ou plus de cinq preneurs de chaleur.

Ainsi, les propriétaires de villa ou de petit immeuble comprenant moins de cinq preneurs de chaleur se verront notifier l’IDC de leur(s) bâtiment(s) dès le 1er septembre 2022 et jusqu’en 2024. Dès 2025, les premières décisions d’assainissement seront rendues sur la base de l’IDC moyen calculé sur cette période de trois années.

Pour les propriétaires déjà assujettis au régime de l’IDC, les premières décisions d’assainissement seront quant à elle rendues déjà en 2023, puisque les propriétaires concernés renseignent d’ores et déjà le département sur l’IDC de leurs bâtiments depuis 2010.

Des conventions entre le Département et les propriétaires pourront cependant être conclues afin de donner la possibilité à ces derniers d’établir une stratégie énergétique pour leur parc immobilier et ainsi bénéficier de délais d’assainissement supplémentaires.

Changement des chaudières (art. 13m à 13o REn)

L’art. 13m REn prévoit que lors de la mise en place, du remplacement ou de la transformation d’une installation productrice de chaleur, celle-ci doit être alimentée prioritairement et dans toute la mesure du possible par des énergies renouvelables ou des rejets thermiques[1]. Le propriétaire sera ainsi contraint de remplacer sa chaudière en fin de vie par une installation alimentée à 100% en énergies renouvelables.

Toutefois, une exception est prévue en cas d’impossibilité technique ou de disproportion économique avérée. Dans ce cas, une installation productrice de chaleur à condensation peut être installée, pour autant qu’au moins 30% de renouvelable soit intégré ou que le bâtiment soit correctement isolé (CECB classe D; CECB = certificat energétique cantonal des bâtiments).

L’impossibilité technique ou la disproportion économique doit être démontrée par le propriétaire.

Dans le cadre de la construction du réseau thermique GeniLac, qui s’échelonne jusqu’en 2035, deux situations doivent être distinguées :

  1. Le bâtiment possède une chaudière (mazout ou gaz) en état de marche mais l’IDC constaté est trop élevé et oblige le propriétaire à effectuer des travaux énergétiques. Dans ce cas, il serait possible de conclure un arrangement avec le Département afin de différer lesdits travaux jusqu’au moment du remplacement de l’installation de production de chaleur, particulièrement lors du raccordement au réseau thermique GeniLac.
  2. Le bâtiment possède une chaudière en fin de vie mais le propriétaire souhaite pouvoir se raccorder au futur réseau GeniLac. Dans cette hypothèse, il s’agira de prendre contact avec les Services Industriels de Genève, afin de mettre en œuvre une solution transitoire.

Conclusion

Si ce changement règlementaire s’inscrit pleinement dans la transition énergétique souhaitée par le canton de Genève, en accord avec les acteurs de la branche l’application de ces nouvelles dispositions pourrait se heurter à quelques obstacles.

En effet, certaines formulations dudit règlement sont, à certains égards, maladroites. De plus, un très large pouvoir d’appréciation est offert à l’Office cantonal de l’énergie (OCEN) qui devra en user en tenant compte des principes cardinaux du droit public, tel que ceux de la proportionnalité et de l’égalité de traitement. Par ailleurs, au regard notamment du droit constitutionnel au respect de la propriété privée, il n’est pas certain que le REn puisse constituer une base légale suffisante pour imposer aux propriétaires des devoirs aussi étendus, dont la majorité implique des investissements financiers conséquents.

[1] Les rejets thermiques autrement dit des rejets de chaleur sont issus d’activités industrielles potentiellement valorisables. L’activité d’une entreprise de production utilise de l’énergie qui après usage dans un processus rejette de la chaleur à plus ou moins haute température dont le pouvoir calorifique peut être récupéré et injecté dans un réseau avant d’être utilisé par un autre processus industriel ou pour chauffer des bâtiments par exemple.


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