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Le Tribunal fédéral a décidé dans son arrêt daté du 2 mai 2012 (ATF 4A_678/2011) que la renonciation à la compensation accordée à l’avance par le débiteur principal au créancier est également opposable à la caution, dans la mesure où la renonciation à la compensation est intervenue avant la conclusion du cautionnement ou avec l’accord de la caution.

Les effets de la renonciation par avance à la compensation

Dans le cas d’espèce, une banque avait concédé un prêt à une société. Le contrat de prêt, signé au nom de la société par son administrateur unique, prévoyait une renonciation à la compensation par la société. Par la suite, l’administrateur s’est engagé en son nom auprès de la banque par une déclaration de cautionnement, par laquelle il s’engageait solidairement à garantir le remboursement du prêt ainsi que des intérêts y afférents. Après que la société fut tombée en faillite, la banque s’est retournée contre l’administrateur en vertu du contrat de cautionnement, et a exigé le remboursement du prêt. La caution a alors objecté que la créancière avait lésé la débitrice principale par sa pratique commerciale et en conséquence a fait valoir en compensation une créance en dommages-intérêts. La question litigieuse devant être tranchée par le Tribunal fédéral était de savoir si la renonciation par avance à la compensation par la société était également opposable à la caution.

Par le contrat de cautionnement, la caution s’engage envers le créancier à garantir le remboursement de la dette contractée par le débiteur principal. Le droit suisse des obligations (CO) prévoit que la caution a le droit et l’obligation d’opposer au créancier les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et que la caution peut les faire valoir même si le débiteur principal y a renoncé. La caution qui néglige de manière fautive d’opposer des exceptions appartenant au débiteur est déchue de son droit de recours contre ce dernier (art. 502 CO). Certes la caution ne peut pas invoquer une créance du débiteur principal contre le créancier en guise de compensation, et ainsi se libérer de son obligation de caution, toutefois elle a le droit de refuser de payer le créancier en tant que le débiteur principal a le droit d’invoquer la compensation (art. 121 CO). Que se passe-t-il si le débiteur principal a renoncé par avance à invoquer la compensation ? Est-ce que la caution peut néanmoins dans ce cas refuser sa prestation?

Les deux dispositions légales, à savoir les articles 502 et 121 CO, visent à donner à la caution le droit de refuser le paiement de la dette. Elles reposent sur l’idée fondamentale que la position de la caution ne doit pas pouvoir être unilatéralement aggravée par un accord subséquent entre le créancier et le débiteur principal. Dans la mesure où le débiteur principal renonce à la compensation après la conclusion du contrat de cautionnement et sans l’accord de la caution, le droit de cette dernière de ne pas payer la dette demeure. Si, au contraire, comme dans le cas d’espèce, la caution a connaissance de la renonciation du débiteur principal à la compensation au moment de la conclusion du contrat de cautionnement, elle ne peut pas selon le Tribunal fédéral invoquer la compensation face au créancier. La caution doit répondre de la créance dans les termes acceptés par le débiteur principal. Elle doit se laisser opposer la renonciation à la compensation concédée par le débiteur principal.

Délimitations entre cautionnement et garantie
ans le cas présent, la question, bien connue en pratique, de la délimitation entre cautionnement et garantie, n’avait pas à être tranchée par le Tribunal fédéral. La délimitation des deux contrats de sûreté réserve souvent des difficultés, bien qu’en pratique elle se révèle d’une importance capitale. Alors que la conclusion du contrat de garantie n’est soumise à aucune exigence de forme, le contrat de cautionnement est quant à lui soumis à des exigences de forme strictes, qui ont pour but la protection de la caution. Le non-respect des exigences de forme conduit en principe à la nullité absolue du contrat de cautionnement. Les exigences formelles générales du cautionnement comprennent la déclaration écrite de la caution ainsi que l’indication numérique dans l’acte même du montant total à concurrence duquel la caution est tenue. Si la caution porte sur un montant supérieur à CHF 2’000, la déclaration de cautionnement d’une personne physique doit en outre revêtir la forme authentique.
Le principe de l’accessoriété est le premier critère de délimitation. Autrement dit, il faut déterminer si la sûreté suit le sort de la dette principale et dépend de celle-ci. L’effet de l’accessoriété consiste en ceci que la caution peut opposer au créancier les exceptions appartenant au débiteur principal. Le cautionnement présuppose l’existence d’une dette principale et il en partage le sort. En revanche, le garant promet, par la garantie, une prestation qui est indépendante de l’obligation d’un tiers. Dans la mesure où les contrats de sûreté contiennent rarement une déclaration concernant leur rapport avec le contrat principal, c’est le plus souvent l’interprétation qui permettra de déterminer comment la sûreté doit être qualifiée.

La jurisprudence a dégagé différents indices, qui plaident soit en faveur d’une obligation accessoire (cautionnement) soit en faveur d’un engagement autonome (garantie). Ainsi, plaide en faveur du cautionnement le fait que la promesse de sûreté soit identique à l’obligation du débiteur principal. A l’inverse, lorsque le montant garanti ne correspond pas à celui dû par le débiteur principal, cela constitue un indice en faveur de la garantie. Une description détaillée des engagements dans le contrat de sûreté est un indice en faveur de la garantie. A contrario, s’il convient de recourir à la relation de base afin de déterminer l’étendue de l’engagement de la sûreté, cela constitue un indice en faveur du cautionnement. La promesse de paiement à première demande ainsi que la renonciation aux exceptions et objections sont également des indices en faveur de la garantie, ce dernier élément ne constituant guère en soi un indice suffisant pour admettre la garantie. Si l’interprétation d’un contrat de sûreté ne conduit pas à un résultat sans équivoque, c’est plutôt le cautionnement qui doit être admis en cas de doute lorsqu’il s’agit d’une personne physique. Des engagements de sûretés émis par des banques mais aussi des sûretés portant sur des contrats conclus avec une partie étrangère sont présumés être des garanties, car ces sûretés signalent que la personne obligée est rompue aux affaires.

Résumé

En résumé, le cautionnement et la garantie doivent être distingués l’un de l’autre. Ce point est particulièrement important dans la formulation des contrats de sûreté mais également s’agissant du respect des exigences de forme. A défaut, les parties courent le risque que la qualification du contrat de sûreté doive être tranchée dans le cadre d’une procédure judiciaire onéreuse, et que le contrat de sûreté soit déclaré nul en raison du non-respect des prescriptions de forme. Le cautionnement dépend de la dette principale, avec pour effet que la caution peut opposer les exceptions et objections du débiteur principal au créancier. Toutefois cela n’est pas applicable – comme le Tribunal fédéral l’a récemment décidé -, lorsque la caution avait déjà connaissance de la renonciation à la compensation par le débiteur principal lors de la conclusion du cautionnement.


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