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Le 2 décembre 2020, le Conseil d’Etat genevois adoptait son plan directeur de l’énergie 2020-20301, avec pour objectif, d’une part, de passer à une société à 2’000 watts par habitant d’ici à 2050 et, d’autre part, de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 60% d’ici 2030.
L’ensemble de ces objectifs s’inscrit par ailleurs dans le plan climat cantonal 2030, qui a fait l’objet d’un premier renforcement le 2 juin 2021, et qui vise une neutralité carbone à l’aune 20502. L’un de ses principaux buts est par ailleurs de couvrir le canton d’une surface de panneaux photovoltaïques équivalente à celle de deux cents terrains de football et qu’à l’horizon 2050 tous les systèmes de chauffage sur le territoire genevois soient alimentés par une source renouvelable.
La mise en œuvre de ces deux plans cantonaux nécessite une accélération de la rénovation des bâtiments, notamment leur isolation, dans le but de réduire les déperditions de chaleur, la suppression des installations à énergies fossiles en faveur de la pose de systèmes de production d’énergies renouvelables3.
Or, la pratique démontre que les propriétaires se heurtent bien trop souvent à des obstacles administratifs, notamment liés à la protection du patrimoine, les freinant ainsi dans leurs projets de rénovations et/ou de constructions à haute valeur énergétique. L’on observe également que l’aspect financier ainsi que le manque d’information quant aux possibilités de subventions qui peuvent être octroyées engendrent également une certaine réticence de la part des propriétaires.
Les impératifs liés à la protection du patrimoine, sont fréquemment invoqués en relation avec des projets impliquant la pose de panneaux photovoltaïques. En effet, la Commission des monuments, de la nature et des sites (CMNS) a pour pratique de s’opposer de manière quasi-systématique aux projets impliquant la mise en place de telles installations sur les toits de villas sises en zone 4B protégée ou d’imposer l’utilisation de panneaux solaires colorés – plus coûteux et réputés moins performants –, au motif de la préservation du caractère patrimonial des lieux.
Dans un arrêt récent4, la Cour de justice a toutefois jugé que le refus d’autoriser, pour des raisons esthétiques, l’installations de panneaux photovoltaïques noirs sur une grange située en zone villageoise (4B protégée) n’était pas justifié. En effet, dans le cadre de la pesée d’intérêts, elle est parvenue à la conclusion que les seules considérations esthétiques invoquées par le Service des monuments et des sites (SMS) n’étaient pas suffisantes pour légitimer un refus de ce type de panneaux photovoltaïques.
De son côté, le Tribunal fédéral avait statué en 2020 déjà en faveur des installations pour des raisons énergétiques, en se référant à la loi fédérale sur l’aménagement du territoire, qui stipule que “l’intérêt à l’utilisation de l’énergie solaire sur des constructions existantes ou nouvelles l’emporte en principe sur les aspects esthétiques“5.
D’une manière plus générale, la pratique de notre Haute Cour a de plus en plus tendance à juger que le recours aux énergies renouvelables l’emporte par rapport à la clause d’esthétique et/ou d’environnement. A titre d’exemple6, les juges de Mon Repos ont confirmé la construction d’un parc éolien (EolJorat Sud) prévu dans le bois de Jorat, au nord de la ville de Lausanne, compte tenu de l’intérêt important et national, que le projet revêt en lien avec les objectifs de production d’énergie renouvelable de la Confédération et du canton de Vaud, et ceci bien que certaines installations projetées se trouvent dans un milieu naturel sensbile. Les aspects environnementaux étaient en outre suffisamment respectés.
On assiste donc à un changement de paradigme. En effet, alors que jusqu’à très récemment les aspects d’ordre esthétique l’emportaient presque systématiquement, l’intérêt des propriétaires à pouvoir réaliser des projets de rénovations et/ou d’améliorations énergétiques, lesquels contribuent indiscutablement à la réalisation des objectifs cantonaux en matière d’énergie et de climat, commence à prévaloir.
A la suite d’une initiative parlementaire, le Grand Conseil genevois a adopté, le 25 novembre 2022, un nouveau cadre légal, lequel fait office de compromis entre la protection du patrimoine et la valorisation l’énergie solaire et par conséquent la pleine réalisation des objectifs cantonaux.
Le projet de loi n° 13086, intitulé “Pour une transition rapide vers le solaire à Genève, partout !“, modifie la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites (LPMNS), dans le but d’accélérer la transition énergétique en supprimant les obstacles administratifs, particulièrement dans le cadre de rénovation en zone 4B et 4B protégée.
Désormais, la pose d’installations solaires sur des bâtiments situés dans les villages protégés (zone 4B et 4B protégée) et dans la zone de protection des rives du lac n’est plus soumise à une autorisation de construire du Département compétent, sous réserve toutefois que l’installation respecte les exigences du droit fédéral en la matière, notamment celles de l’art. 32a al. 1 et al. 1bis de l’Ordonnance fédéral sur l’aménagement du territoire7. Un simple avis d’ouverture de chantier auprès de l’Office des autorisations de construire suffit.
Dans ces deux secteurs, une autorisation de construire est maintenue en revanche pour les bâtiments faisant l’objet d’une mesure de protection individuelle au sens de la LPMNS ou désignés par le droit fédéral comme bien culturel d’importance nationale, ainsi que ceux situés dans un plan de site. Les qualités architecturales et culturelles des périmètres les plus importants en termes patrimoniaux sont ainsi préservées.
Cette modification législative pragmatique est la bienvenue : non seulement elle offre un cadre clair aux propriétaires immobiliers qui souhaitent installer des panneaux solaires photovoltaïques ou thermiques sur leur toiture, sans devoir consacrer du temps, de l’énergie et de l’argent dans le dépôt d’une autorisation de construire, mais elle constitue également un outil salutaire au développement de l’énergie solaire dans le canton.
L’adoption de ce nouveau cadre légal est également accompagnée d’un guide sur les installations solaires à l’intention des propriétaires et de leurs mandataires, rédigé par l’Office cantonal de l’énergie (OCEN)8, lequel résume les étapes-clés pour la réalisation d’une installation solaire, les règles et recommandations pour la pose de panneaux solaires, notamment en lien avec la protection du patrimoine, ainsi que les subventions qui peuvent être accordées.
L’édition de ce guide s’inscrit dans la lignée des démarches effectuées par plusieurs communes vaudoises qui ont récemment publié à l’attention des leurs citoyens et des entreprises actives sur leur territoire, des recommandations relatives aux solutions envisageables, afin de concilier, dans le cadre de la pose d’installations solaires, les intérêts liés à la production d’énergies renouvelables et ceux liés à la préservation du patrimoine.
A présent, la simplification des démarches juridiques, ainsi que les documents d’aide mis à disposition des propriétaires et acteurs du domaine devraient favoriser la pose d’installations solaires !
Pour plus de détails à propos de ce thème, nous vous recommandons la lecture de notre article “Installations solaires en Suisse : aspects pratiques”, paru le 22 juin 2022.
1 https://www.ge.ch/dossier/transition-energetique-geneve/actions-concretes-accelerer-transition-energetique/plan-directeur-energie
2 https://www.ge.ch/teaser/plan-climat-cantonal-geneve-2030/plan-climat
3 Pour plus de détails cf. notre article du 22 juin 2022 sur le nouveau règlement genevois sur l’énergie
4 ATA/826/2022 du 23 août 2022
5 ATF 146 II 367
6 Arrêts 1C_575/2019 et 1C_576/2019, du 1er mars 2022
7 1 Les installations solaires placées sur un toit sont considérées suffisamment adaptées (art. 18a, al. 1, LAT) si les conditions suivantes sont réunies:
- elles ne dépassent pas les pans du toit perpendiculairement de plus de 20 cm;
- elles ne dépassent pas du toit, vu du dessus;
- elles sont peu réfléchissantes selon l’état des connaissances techniques;
- elles forment un ensemble groupé; des exceptions pour raisons techniques ou une disposition décalée en raison de la surface disponible sont admissibles.
1bis Sur un toit plat, elles sont aussi considérées suffisamment adaptées si, au lieu des conditions de l’al. 1, les conditions suivantes sont réunies:
- elles ne dépassent pas de l’arête supérieure du toit de plus de 1 m;
- elles sont placées suffisamment loin du bord du toit pour ne pas être visibles d’en bas avec un angle de vue de 45 degrés;
- elles sont peu réfléchissantes selon l’état actuel des connaissances techniques.
8 https://www.ge.ch/document/energie-guide-installations-solaires-geneve