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1. Remarques introductives
Le but de cet article est de définir dans quelle mesure les dispositions sur le recouvrement de créances fiscales de la convention Conseil de l’Europe/OCDE concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale du 25 janvier 1988 et amendée par le Protocole du 27 mai 2010 (ci-après : la Convention) seront directement applicables ou non si le texte entre en vigueur en la Suisse et quelles en seront les conséquences.
2. La Convention multilatérale de l’OCDE et du Conseil de l’Europe concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale
a) Contexte international
La convention Conseil de l’Europe/OCDE est entrée en vigueur le 1er Avril 1995. En 2010, elle a été modifiée afin de tenir compte des développements en matière de coopération internationale s’agissant de l’échange de renseignements fiscaux et de la transparence. Ces modifications ont pris effet au 1er juin 2011.
A date du 19 mars 2014, la Convention révisée est déjà entrée en vigueur dans 50 des 64 Etats qui l’ont signée. La Suisse a signé le 15 octobre 2013 cette Convention mais doit encore la ratifier pour que le texte puisse entrer en vigueur.
b) Dispositions sur le recouvrement de créances.
Les moyens d’assistance administrative selon la Convention sont l’échange de renseignement sur demande (art. 5 de la Convention), l’échange automatique de renseignements (art. 6 de la Convention) de même que l’échange spontané de renseignements (art. 7 de la Convention).
La Convention règle la question de l’assistance dans le recouvrement de créances fiscales dans ses articles 11 à 16 et couvre tous les thèmes tels que le recouvrement de créances fiscales, les documents nécessaires à la demande et les délais.
L’article 11 de la Convention prévoit qu’à la demande de l’Etat requérant, l’Etat requis procède au recouvrement des créances fiscales comme s’il s’agissait de ses propres créances fiscales. Si la créance concerne une personne qui n’a pas la qualité de résident dans l’Etat requérant, l’Etat requis doit prendre les mesures nécessaires uniquement lorsque la créance ne peut plus être contestée par les voies légales, à moins que les Parties n’en soient convenues autrement.
L’Etat requis peut donner suite à la demande d’assistance ou la rejeter en indiquant les motifs (art. 20 de la Convention). Il n’est pas tenu d’accorder une assistance au recouvrement dans les cas où la charge administrative qui en résulte pour cet Etat est nettement disproportionnée par rapport aux avantages qui peuvent en être tirés par l’Etat requérant (art. 21, al. 2, lit. h de la Convention).
c) Applicabilité directe des dispositions sur le recouvrement de créances fiscales et réserves
Est-ce que l’article 11 de la Convention nécessitera une disposition supplémentaire pour pouvoir s’appliquer ou sera-t-il directement applicable lorsque la Convention entrera en vigueur en Suisse ? Le principe général de la Convention est que toutes les dispositions sont directement applicables une fois que le texte entré en vigueur. Ni le rapport explicatif révisé de la Convention concernant l’Assistance Administrative Mutuelle en matière fiscale telle qu’amendée par le protocole de 2010, ni le manuel de l’OCDE sur la mise en œuvre de l’assistance en matière de recouvrement des impôts ne prévoient des accords supplémentaires pour mettre en œuvre les dispositions.
La seule exception demeure l’échange automatique de renseignements dans le cadre de la Convention (art. 6). Le Département fédéral des finances a précisé que la Convention nécessite un accord additionnel pour appliquer l’échange automatique de renseignements. Si un Etat qui a adhéré à la Convention ne souhaite pas appliquer l’échange automatique de renseignements alors il n’a aucune obligation de conclure un tel accord (Document de base du Département fédéral des finances sur la Convention OCDE du 09.10.2013 p. 2).
Pour exclure l’assistance en matière de recouvrement de créances fiscales, il est possible pour un Etat partie d’émettre une réserve. Seules les réserves prévues par l’article 30 de la Convention peuvent être formulées. L’article 30, alinéa 1, lettre b de la Convention prévoit spécifiquement la possibilité pour un Etat partie de formuler une réserve afin de ne pas accorder ou de restreindre l’assistance en matière de recouvrement de créances fiscales. En particulier, un Etat peut décider de ne pas accorder l’assistance pour le recouvrement de créances fiscales qui existent déjà à la date d’entrée en vigueur de la Convention pour cet Etat (art. 30, al. 1, lit. c de la Convention).
Le Département fédéral des finances précise que : “tous les domaines de collaboration prévus dans la convention ne doivent pas nécessairement être mis en application. […] La formulation de réserves permet également d’exclure l’assistance en matière de recouvrement et la notification de documents” (Document de base du Département fédéral des finances sur la Convention OCDE du 09.10.2013 p. 2).
En outre, l’article 28 de la Convention prévoit un effet rétroactif dans la mesure où, en principe, les dispositions s’appliquent à l’assistance administrative liées aux périodes d’imposition ou aux obligations fiscales qui débutent le 1er janvier, ou après le 1er janvier de l’année qui suit celle où la Convention est entrée en vigueur à l’égard de l’Etat requis. Ainsi, deux Etat parties ou plus peuvent aussi prévoir que la Convention prendra effet sur des périodes d’imposition ou obligations fiscales antérieures.
Néanmoins, dans les affaires fiscales faisant intervenir un acte intentionnel passible de poursuites en vertu du droit pénal de la Partie requérante, la Convention aura un effet rétroactif portant sur des périodes d’imposition ou obligations fiscales antérieures. Mais l’article 30, alinéa 1, lit. f de la Convention permet à un Etat partie de formuler une réserve pour limiter les périodes antérieures à un maximum de trois ans précédant l’année où la Convention est entrée en vigueur dans ledit Etat.
3. Situation actuelle en Suisse
La Convention a été signée par la Suisse le 15 octobre 2013 mais n’a pas encore été ratifiée. Elle n’est donc pas encore en vigueur en Suisse et elle ne le sera qu’après sa ratification.
Il découle de la Constitution fédérale que pour ratifier un traité international, le Conseil fédéral doit au préalable le soumettre à l’assemblée fédérale pour obtenir son accord en vue de la ratification.
Avant sa ratification par la Suisse, la Convention doit encore être soumise à la procédure ordinaire : consultation des milieux intéressés, message du Conseil fédéral au Parlement, approbation parlementaire et référendum facultatif. Le Département fédéral des finances a été chargé de présenter au Conseil fédéral un projet destiné à la consultation.
A ce jour, ni le Département fédéral des finances, ni le Conseil fédéral ou encore l’Assemblée fédérale ne se sont exprimés sur le texte de la Convention.
En ce qui concerne d’éventuelles réserves, le gouvernement suisse n’a pas dévoilé ses intentions. Les réserves peuvent être formulées par la Suisse jusqu’au moment de la ratification de la Convention.
Au niveau politique, les partis ont réagi par voie de presse à l’annonce de la signature de la Convention. Les parties de droite rejettent le texte dans sa teneur actuelle et ont fait savoir qu’ils tenteront de bloquer l’approbation de l’Assemblée fédérale. Ils considèrent que seules les adaptations strictement nécessaires pour éviter à la Suisse une mise au ban internationale doivent être mises en œuvre. Pour sa part, la gauche soutient ce pas supplémentaire vers une entraide administrative étendue.
Dans le cas où la Convention est approuvée par l’Assemblée fédérale, 50’000 citoyens ayant le droit de vote ou huit cantons peuvent demander dans les 100 jours à compter de la publication officielle de l’acte que la Convention soit soumise au référendum facultatif.
Si le référendum facultatif n’est pas demandé dans les 100 jours après approbation du texte par l’Assemblée fédérale, le Conseil fédéral ratifiera la convention.
4. Conclusion
Le processus de discussion qui amènera l’Assemblée fédérale à se prononcer sur la question n’a pas encore débuté. Il est ainsi difficile d’anticiper si la Suisse ratifiera la Convention et formulera des réserves s’agissant de l’assistance mutuelle en matière de recouvrement de créances fiscales. Les diverses opinions exprimées dans les différents partis politiques en Suisse augurent un débat houleux quant à l’adoption de la Convention.
Si la Suisse ratifie la convention Conseil de l’Europe/OCDE sans exprimer de réserve, le texte entrera en vigueur dès sa ratification. Les dispositions sur le recouvrement de créance seront directement applicables et permettront aux autorités fiscales suisses de recouvrer en Suisse les créances fiscales pour le compte d’un Etat partie à la convention. Dans le contexte politique actuel, il semble peu probable que la Suisse acceptera un effet rétroactif dans le cadre de l’assistance mutuelle en matière de recouvrement de créances fiscales.