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Dans l’Union Européenne, la faillite internationale est régie par le Règlement relatif aux procédures d’insolvabilité.[1] Cependant, dès lors que la Suisse n’est pas un Etat membre de l’UE, le Règlement UE ne s’applique pas directement aux affaires de faillite internationale qui sont liées à la Suisse, ce qui compliquait considérablement la conduite de telles procédures. Des modifications de la Loi sur le droit international privé (LDIP) ont ainsi été adoptées et mises en vigueur au 1er janvier 2019, ce qui permet désormais une administration simplifiée des procédures de faillite internationale. Les changements les plus importants sont les suivants:
Reconnaissance simplifiée des jugements étrangers prononçant l’ouverture d’une procédure de faillite.
Jusqu’à fin 2018, afin que les procédures de faillite étrangères produisent des effets en Suisse, le jugement étranger par lequel la procédure de faillite avait été ouverte devait être reconnu en Suisse par une procédure de reconnaissance dédiée. Sous l’ancien droit, il était ainsi nécessaire que (i) le jugement étranger sait été rendu au lieu du domicile du débiteur, (ii) qu’il soit entré en force dans l’Etat dans lequel il avait été rendu, (iii) qu’il n’y ait pas de motif de refus de reconnaissance, et (iv) que l’Etat dans lequel le jugement avait été rendu accorde la réciprocité.
Selon les dispositions nouvellement applicables, un jugement étranger prononçant l’ouverture d’une procédure de faillite doit être reconnu en Suisse non seulement s’il a été rendu dans l’Etat dans lequel le débiteur est domicilié, mais aussi s’il a été rendu dans l’Etat dans lequel se situe le centre des intérêts principaux du débiteur (à condition toutefois que le débiteur n’ait pas été domicilié en Suisse au moment où la procédure de faillite a été ouverte). La raison de cette extension réside dans le fait que, dans beaucoup de juridictions, la compétence territoriale des tribunaux d’ouvrir des procédures de faillite est donnée au lieu du centre des intérêts principaux du débiteur. Sous l’ancien droit, les jugements étrangers qui étaient rendus à cet endroit ne pouvaient pas être reconnus en Suisse si le centre des intérêts principaux du débiteur ne coïncidait pas avec le domicile de ce der-nier. Cette lacune a désormais été comblée grâce à une nouvelle disposition.
La reconnaissance des procédures de faillite étrangères a en outre été facilitée par la suppression de l’exigence de réciprocité. Il était souvent très difficile d’évaluer si l’Etat dans lequel le jugement avait été rendu octroyait la réciprocité ou non, en particulier si le jugement avait été rendu dans un Etat à l’égard duquel il n’y avait pas de jurisprudence suisse sur la question. Afin de démontrer que l’Etat en question octroyait la réciprocité, il était souvent nécessaire de s’appuyer sur des avis juri-diques, dont l’obtention pouvait être coûteuse et prendre beaucoup de temps. Dès lors la suppres-sion de l’exigence de réciprocité entraîne en pratique une simplification substantielle et bienvenue de la procédure de reconnaissance.
Pas de procédure de faillite ancillaire obligatoire
Sous l’ancien droit, si l’administrateur judiciaire étranger souhaitait atteindre des biens situés en Suisse, l’ouverture d’une procédure de faillite ancillaire était obligatoire en Suisse. Dans un tel cas, les biens du débiteur qui étaient situés en Suisse étaient d’abord utilisés pour satisfaire les créances garanties par un nantissement ainsi que les créances des créanciers privilégiés suisses. Un éventuel surplus n’était ensuite transmis à l’administration de la faillite étrangère qu’à la condi-tion supplémentaire que les tribunaux suisses parviennent à la conclusion que les créances des créanciers non privilégiés suisses avaient été dûment prises en compte dans la procédure de faillite étrangère.
Selon les nouvelles dispositions, une procédure de faillite ancillaire est menée uniquement s’il y a un besoin effectif de protéger les créanciers concernés. S’il n’y a pas de créances garanties par un nantissement, ni de créanciers privilégiés suisses, ou de créanciers d’une succursale suisse du dé-biteur étranger, le tribunal peut, sur requête de l’administrateur judiciaire, décider que la procédure de faillite ancillaire n’a pas besoin d’être menée. Si seules des créances autres que celles mention-nées ci-dessus sont présentées, il peut être renoncé à la procédure de faillite ancillaire, à condition que les créances non privilégiées des créanciers suisses soient dûment prises en compte dans la procédure de faillite étrangère. Ces créanciers doivent être entendus préalablement.
Si aucune procédure de faillite ancillaire ne doit être menée, l’administration de la faillite étrangère est habilitée à exercer tous les pouvoirs qui lui sont conférés par la loi de l’Etat dans lequel la pro-cédure de faillite a été ouverte. Elle est notamment habilitée à transférer les biens du débiteur hors de Suisse et à intenter des procès. Toutefois, en vertu des nouvelles dispositions, elle n’est pas ha-bilitée à accomplir des actes de souveraineté sur le territoire suisse.
Autres modifications
D’autres modifications de la loi prévoient que les créanciers d’une succursale suisse du débiteur étranger ne sont plus tenus de produire leurs créances dans le cadre d’une procédure de faillite spécifique à la succursale ; ils peuvent en revanche produire leurs créances dans le cadre de la procédure de faillite ancillaire, ce qui évite les doubles emplois et les questions de délimitation épineuses. En outre, sous le nouveau droit, les jugements étrangers qui ont été rendus dans le cadre d’une procédure de faillite (tels que les jugements concernant des actions révocatoires) peuvent en principe être reconnus en Suisse, ce qui n’était pas possible sous l’ancien droit. Finalement, la révision instaure une base légale pour la coordination entre les autorités suisses et étrangères en matière de faillite.
[1] Règlement (UE) 2015/848 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relatif aux procédures d’insolvabilité (refonte), applicable à partir du 26 juin 2017, abrogeant le Règlement (CE) 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 sur les procédures d’insolvabilité.