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Nouvelles exigences en matière de transparence et d’inscription au registre du commerce pour les associations en Suisse


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Avec l’entrée en vigueur le 1er janvier 2023 de la révision de la loi le blanchiment d’argent (LBA) et de la modification de l’ordonnance sur le blanchiment d’argent (OBA), un nouvel ensemble de règles relatives à l’inscription au registre du commerce (RC) et à la transparence s’appliquera aux associations avec siège en Suisse, notamment l’obligation d’inscrire les associations qui ont pour objet principal de collecter ou de distribuer à l’étranger, directement ou indirectement, des valeurs patrimoniales destinées à des fins caritatives, religieuses, culturelles, éducatives ou sociales, ainsi que l’obligation de tenir publique une liste des membres de l’association.

I. Contexte

A la suite du Rapport d’évaluation mutuelle sur la Suisse du Groupe d’action financière (GAFI) de 2016, la Suisse a décidé d’accroître la sécurité juridique et renforcer la place financière suisse pour lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme et ainsi mettre en œuvre les recommandations les plus importantes du GAFI.

Le 26 juin 2019, le Conseil fédéral suisse a adopté en ce sens le projet de modification de la LBA (voir pour plus de détails : RO 2021 656 et le Message du Conseil fédéral suisse sur la LBA, FF 2019 5237).

Pour se conformer aux recommandations du GAFI, la Suisse a décidé d’inclure de nouvelles règles spécifiques pour les associations qui ont leur siège en Suisse.

Selon la Recommandation 8 du GAFI, “les pays devraient examiner la pertinence de leurs lois et règlements relatifs aux organismes à but non lucratif qu’ils ont identifiés comme vulnérables à une exploitation à des fins de financement du terrorisme. Les pays devraient appliquer des mesures ciblées et proportionnées à ces OBNL, selon une approche basée sur les risques, pour les protéger d’une exploitation à des fins de financement du terrorisme, commise notamment : (a) par des organisations terroristes se présentant comme des entités légitimes ; (b) en exploitant des entités légitimes comme moyens de financement du terrorisme, y compris pour éviter les mesures de gel des avoirs ; (c) en dissimulant ou opacifiant le détournement clandestin de fonds destinés à des fins légitimes vers des organisations terroristes ».

Cette Recommandation 8 et sa note interprétative révisée1 précisent quels organismes à but non lucratif doivent être soumises à la surveillance et au contrôle, précisant également que tous les organismes à but non lucratif ne sont pas des entités considérées comme présentant un risque élevé de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme. Selon le GAFI dans sa note interprétative de la recommandation 8, “protéger les OBNL d’une exploitation à des fins de financement du terrorisme est donc à la fois un aspect essentiel de la lutte mondiale contre le terrorisme, en même temps qu’une mesure nécessaire pour préserver l’intégrité des OBNL et de la communauté des donateurs. Les mesures destinées à protéger les OBNL d’une exploitation à des fins du financement du terrorisme doivent être ciblées et suivre une approche basée sur les risques.”

Depuis lors, la Suisse a pris des mesures pour combler les lacunes identifiées dans le Rapport d’évaluation mutuelle et pour se conformer aux nouvelles exigences de la recommandation 8 du GAFI. Le 28 juin 2017, le Groupe interdépartemental de coordination sur la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (GCBF) a publié un rapport intitulé “Blanchiment d’argent et financement du terrorisme par le biais d’organismes à but non lucratif”2; ce dernier identifie les organismes à but non lucratif comme pouvant présenter un risque accru de financement du terrorisme et recommande notamment d’étendre aux associations présentant des risques élevés en matière de financement du terrorisme l’obligation de s’inscrire au registre du commerce.

Le 31 août 2022, le Conseil fédéral suisse a approuvé la modification de l’ordonnance sur le blanchiment d’argent (OBA) ainsi que les changements apportés au Code civil suisse (CC) et à l’ordonnance sur le registre du commerce (ORC), qui sont entrés en vigueur le 1er janvier 2023 (RO 2022 552). Une période transitoire de 18 mois (c’est-à-dire jusqu’au 30 juin 2024) est prévue pour que les associations existantes se conforment aux nouvelles exigences (art. 6bbis Titre final du CC ; art. 181b ORC).

II. Inscription au registre du commerce

Auparavant, seules les associations qui exerçaient des activités commerciales dans le cadre de leur but et les associations soumises à des obligations de contrôle étaient tenues de s’inscrire au registre du commerce.

Depuis le 1er janvier 2023, les associations qui, à titre principal, collectent ou distribuent directement ou indirectement des fonds à l’étranger à des fins caritatives, religieuses, culturelles, éducatives ou sociales sont également soumises à l’obligation d’inscription au registre du commerce (art. 61 al. 2 ch. 3 CC ; art. 90 al. 1 ORC).3 La qualification de collecte et de distribution de fonds est examinée de facto et non seulement selon la clause du but de l’association.

Il existe néanmoins une exemption de l’obligation de s’inscrire au registre du commerce pour ces associations si :

  • Durant les deux derniers exercices ni le montant annuel des fonds collectés ni celui des fonds distribués n’ont dépassé 100 000 francs ;
  • Les fonds sont distribués par un intermédiaire financier au sens de la LBA ; et
  • L’association a au moins un représentant domicilié en Suisse (art. 61 al. 2ter CC cum art. 90 al.2 ORC).

Ainsi une association qui collecte des fonds pour un montant de 80 000 francs et en distribue 60 000 francs bénéficie de l’exemption. À l’inverse, une association qui n’effectue pas de collecte de fonds, mais finance au moyen de ses ressources propres des projets caritatifs à l’étranger pour un montant supérieur à 100 000 francs devrait obligatoirement être inscrite au registre. Les montants des fonds collectés et distribués sont déterminés sur la base des comptes établis par l’association. Pour éviter que des collectes ou versements ponctuels n’entraînent une modification de l’assujettissement, l’ORC prévoit que l’obligation ne prend naissance que si le seuil de 100 000 francs a été dépassé durant deux exercices consécutifs. Cela a pour conséquence que durant leurs deux premières années d’existence, les associations concernées par l’art. 61 al. 2 ch. 3 CC bénéficient de l’exemption.

L’obligation de recourir à un intermédiaire financier ne s’applique qu’à la distribution des fonds et non à leur collecte.

Pour rappel, voici les principaux effets d’une inscription au Registre du commerce pour une association :

  • Elle devient soumise à la poursuite pour dettes par voie de faillite au lieu d’une saisie (art. 39 al. 1 ch. 11 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, LP)
  • Elle devient soumise aux exigences comptables selon le Code des obligations suisse (CO). A cet égard, si l’association remplit deux des trois critères suivants pendant deux années successives, elle est soumise à un contrôle ordinaire : total du bilan de 10millions de francs ; chiffre d’affaires de 20 millions de francs et un effectif de 50 employés à plein temps en moyenne annuelle (art. 69b al. 1 CC)
  • Les statuts et la liste des membres du comité et des signataires de l’association, avec leur nom, leur nationalité et leur lieu de domicile, sont accessibles au public auprès du Registre du commerce, y compris sur son site internet

Le nouveau droit des associations a établi une règle spécifique plus souple (un « mécanisme de discrétion ») pour les associations qui, à titre principal, collectent ou distribuent directement ou indirectement des fonds à l’étranger à des fins caritatives, religieuses, culturelles, éducatives ou sociales (art. 61 al. 2 ch. 3 CC) et pour celles qui sont volontairement inscrites au registre du commerce : pour ces associations, il n’est pas nécessaire que tous les membres de la direction et les signataires soient inscrits, mais seulement “au moins un membre de la direction et au moins une personne autorisée à représenter l’association et ayant son domicile en Suisse” (art. 92 lit. k ORC). Ces critères peuvent aussi être remplis par une seule personne (membre de la direction domicilié en Suisse avec pouvoir de représentation)4

III. Représentant domicilié en Suisse

Toutes les associations qui sont tenues de s’inscrire au registre du commerce doivent avoir une personne autorisée à représenter l’association domiciliée en Suisse. Cette obligation de représentation en Suisse est remplie si (i) une personne ayant le droit de signature individuelle est domiciliée en Suisse ou (ii) deux personnes ayant le droit de signature collective à deux sont domiciliées en Suisse.

Cette nouvelle exigence aligne la règle applicable aux associations avec celles qui existent déjà pour les sociétés anonymes (art. 718 al. 4 CO), les sociétés à responsabilité limitée (art. 814 al. 3 CO) et les sociétés coopératives (art. 898 al. 2 CO).

L’obligation d’avoir un représentant domicilié en Suisse ayant accès à la liste des membres de l’association garantit aux autorités qu’en cas d’ouverture d’une procédure contre l’association, une personne physique pourra être entendue et fournir les renseignements utiles, sans qu’il soit nécessaire de recourir aux mécanismes d’entraide internationale. En outre, cette mesure est conforme aux recommandations du GAFI sur la transparence des personnes morales, selon lesquelles les informations de base sur les actionnaires ou les membres doivent être disponibles dans le pays afin qu’elles puissent être fournies rapidement sur demande5.

Les associations qui n’ont pas l’obligation de s’inscrire au registre du commerce mais décident volontairement de le faire peuvent être inscrites même si tous leurs représentants sont domiciliés à l’étranger, pour autant que l’association dépose une déclaration confirmant que, bien qu’inscrite au registre du commerce, elle n’est pas soumise à l’obligation d’inscription selon l’art. 61 al. 2 CC (art. 90a al. 4 ORC). La déclaration de la direction doit confirmer que l’association n’exerce pas d’activité commerciale, qu’elle ne remplit pas les conditions pour être soumise à l’obligation de faire réviser ses comptes et qu’elle n’a pas pour but principal de collecter ou de distribuer des fonds, respectivement qu’elle remplit les conditions d’exemption prévues à l’art. 90 al. 2 ORC. Les autorités du registre du commerce peuvent se fier à l’auto-déclaration de la direction.

Tant que l’association est inscrite au registre du commerce et qu’elle a un représentant domicilié en Suisse, la question de savoir si elle est soumise à l’obligation d’inscription peut être laissée ouverte6.

IV. Liste des membres

Il existe également une nouvelle obligation pour les associations soumises à l’obligation d’inscription au registre du commerce de tenir une liste de leurs membres, où sont mentionnés soit le prénom et le nom soit la raison sociale et l’adresse de chaque membre (art. 61a al. 1 CC). Il n’y a pas de prescription spécifique sur la forme de la liste des membres.

L’exigence d’une liste de membres est similaire à l’exigence d’un registre des actions pour les sociétés à responsabilité limitée (art. 686 CC), d’un registre des apports pour les sociétés à responsabilité limitée (art. 790 CC) et d’un registre des membres des coopératives (art. 837 CC).

Cette liste doit être accessible en tout temps en Suisse (art. 61a al. 2 CC), en particulier par le représentant domicilié en Suisse (art. 69 al. 2 CC).

Les coordonnées de chaque membre et les pièces justificatives éventuelles sont conservées pendant cinq ans après la radiation du membre concerné (art. 61a al. 2 et 3 CC).

V. Sanctions pour défauts d’organisation et responsabilité pénale

L’absence d’un représentant domicilié en Suisse ou l’absence d’une liste des membres est considérée comme une carence dans l’organisation au sens de l’art. 69c CC.

Dans ce cas, un membre ou un créancier de l’association peut requérir au tribunal d’ordonner que les mesures nécessaires soient prises. Le tribunal peut fixer à l’association un délai pour régulariser la situation exigée par la loi et peut, si nécessaire, nommer un commissaire (art. 69c al. 1 et 2 CC ; art. 939 CO).

Celui qui, intentionnellement, viole les obligations des associations prévues aux art. 61a CC (obligation de tenir une liste des membres) et 69 al. 2 CC (obligation d’avoir un représentant domicilié en Suisse) est pénalement responsable et puni d’une amende (art. 327b Code pénal suisse, CP). En outre, celui qui aura déterminé une autorité chargée du registre de commerce à procéder à l’inscription d’un fait contraire à la vérité ou lui aura tu un fait devant être inscrit sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire (art. 153 CP).

Conclusion

Toutes les nouvelles exigences en matière d’enregistrement et de transparence pour les associations en Suisse s’appliquent à partir du 1er janvier 2023 pour les nouvelles associations. Les associations existantes ont jusqu’au 30 juin 2024 pour s’adapter à ces règles.

Il est donc important de prendre toutes les mesures nécessaires pour se conformer à ces règles dans les délais. En particulier, les associations d’utilité publique doivent vérifier si elles sont soumises à l’inscription au registre du commerce et toutes les associations inscrites doivent désigner un représentant domicilié en Suisse et tenir une liste de leurs membres.

Download PDF

1 Recommandations du GAFI.

https://www.fedpol.admin.ch/dam/fedpol/fr/data/kriminalitaet/geldwaescherei/nra-berichte/nra-bericht-juni-2017-f.pdf.download.pdf/nra-bericht-juni-2017-f.pdf.

3 Il est à noter qu’en droit suisse, la collecte de fonds auprès du public n’est pas soumise à des règles spécifiques ou à une autorisation, contrairement à d’autres pays.

4 voir les commentaires du Conseil fédéral du 31 août 2022 sur la OBA révisée, p. 11.

5 voir FF 2019 5237, 5281.

6 voir les commentaires du Conseil fédéral du 31 août 2022 sur la OBA révisée, p. 10.


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