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La présente newsletter met en lumière les conséquences liées au droit des sociétés et droit fiscal pour les actionnaires et administrateurs des sociétés dont les actions sont au porteur et qui devront être converties en actions nominatives prochainement.
1. Introduction
Le 1er novembre 2019, la loi sur la mise en œuvre des recommandations du Forum mondial sur la transparence est entrée en vigueur. Cette loi vise notamment la suppression de la majorité des actions au porteur. Pour plus d’informations sur les changements apportés par cette loi, voir nos deux newsletters (en anglais) sur le sujet : newsletter 1 et newsletter 2.
D’un point de vue fiscal, jusqu’à présent, les administrateurs n’étaient pas tenus d’indiquer aux autorités fiscales l’identité des actionnaires au porteur. Avec la suppression des actions au porteur, l’Administration fiscale semble développer une nouvelle pratique en vue de promouvoir la transparence de l’actionnariat.
2. Fin des actions au porteur
Suite à l’introduction des nouvelles dispositions du Code des obligations, il appartient à la majorité des sociétés anonymes, dont les actions sont au porteur, de les convertir en actions nominatives.
Après la conversion d’actions au porteur en actions nominatives, la société sera tenue d’inscrire au registre des actions les actionnaires qui se seront annoncés auprès d’elle. En ce qui concerne les actionnaires au porteur qui ne se seraient pas annoncés auprès de la société suite à la conversion de leurs actions en actions nominatives, leurs droits de vote seront suspendus et leurs droits de recevoir un dividende seront éteints.
Les actions, quant à elles, deviendront des actions propres de la société, en cas d’absence d’annonce des actionnaires. Par conséquent, il n’est pas impossible que certaines sociétés, dont aucun des actionnaires ne s’est annoncé, se trouvent en situation de carence dans l’organisation, puisque l’assemblée générale ne pourra plus se réunir et prendre des décisions. Dans certains cas, les situations de carence dans l’organisation pourraient mener à la dissolution de la société.
3. Conséquences pour les actionnaires au porteur
D’un point de vue du droit des sociétés, les actionnaires au porteur doivent absolument s’annoncer auprès de la société suite à la conversion de leurs actions en actions nominatives, de peur de perdre leur droit à recevoir un dividende et leur droit de vote.
Concernant le volet fiscal, le registre des actionnaires et des bénéficiaires économiques tenus par la société sont des documents internes à la société que l’Administration fiscale peut demander à consulter à des fins de contrôle. De plus, chaque contribuable a le devoir de collaborer avec l’Administration fiscale. Ainsi, il est difficile désormais d’opposer à l’Administration fiscale le fait que certains actionnaires sont titulaires d’actions au porteur et ne sont pas connus de la société. A notre connaissance, il semblerait d’ailleurs que l’Administration fiscale développe désormais la pratique de demander régulièrement le registre des ayant-droits économiques des actionnaires (en particulier lorsque les actions sont au porteur).
Par ailleurs, tout historique lacunaire quant aux ayants droit économiques d’une société suisse justifie selon l’Administration fédérale des contributions l’application de la théorie des anciennes réserves, voire de la transposition internationale. En conséquence, l’impôt anticipé (35%) prélevé sur les distributions de dividendes n’est pas remboursé.
Il convient de rappeler que le droit suisse permet à chaque assujetti d’effectuer une unique dénonciation spontanée non punissable. Une telle procédure est vivement conseillée à tout contribuable possédant des actifs non déclarés en Suisse ou à l’étranger (voir notre newsletter sur le sujet : Dernière chance pour les titulaires de comptes non déclarés). Les titulaires d’actions au porteur résidant en Suisse qui n’avaient pas reporté celles-ci par le passé dans leur état des titres doivent examiner sérieusement et rapidement cette option.
4. Conséquences pour les administrateurs
Dans l’éventualité où l’entier des actionnaires au porteur décidait de ne pas convertir leurs actions au porteur en actions nominatives, la société pourrait se trouver en situation de défaut d’organe (assemblée générale) et une dissolution de la société ne serait pas exclue. Dans un tel cas, les membres du conseil d’administration encourent une responsabilité solidaire pour les impôts directs et l’impôt anticipé (art. 55 LIFD et 15 LIA). Quand bien même les articles de loi précités visent les liquidateurs, la jurisprudence du Tribunal fédéral a étendu cette responsabilité aux administrateurs ayant accompli de fait des actes de liquidation.
En outre, les administrateurs devraient veiller à tenir les registres d’actionnaires et d’ayants droit économiques de façon diligente et collaborer avec l’Administration fiscale qui demanderait à connaître l’identité des actionnaires, surtout s’il existe un risque que ces derniers n’aient pas déclaré leurs actions au porteur. En effet, le code pénal contient une infraction de blanchiment de fraude fiscale qui punit les personnes ayant entravé l’identification de l’origine de valeurs patrimoniales dont ils devaient présumer qu’elles provenaient d’un crime ou d’un délit fiscal qualifié.
5. Conclusion
La majorité des actionnaires au porteur devront prochainement convertir leurs actions au porteur en action nominatives et s’annoncer auprès de la société.
Au vu de la récente pratique de l’Administration fiscale, il serait judicieux que les actionnaires au porteur vérifient qu’ils aient toujours déclaré leurs actions de la bonne manière. Si cela n’a pas été le cas, ils devraient examiner rapidement l’éventualité d’une dénonciation spontanée.
Quant à eux, les administrateurs pourraient encourir une responsabilité du fait que les actionnaires au porteur ne se sont pas conformés aux obligations découlant des nouvelles normes et devraient par conséquent suivre la situation de très près.