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De quoi s’agit-il ? En bref.
1.—Réglementation croissante du reporting sur le développement durable
Tant dans l’Union européenne (UE) qu’en Suisse, les obligations de publication des entreprises dans le cadre du rapport sur le développement durable (ou rapport non financier) sont réglementées de manière de plus en plus stricte et complète. Ainsi, en Suisse, les grandes sociétés ouvertes au public, les banques et les assurances doivent publier un rapport non financier depuis le 1er janvier 2024, en application du contre-projet indirect à l’initiative sur la responsabilité des entreprises.
Dans l’UE, une nouvelle vague de réglementation beaucoup plus complète a suivi avec la directive européenne sur les rapports de développement durable des entreprises (CSRD), avec effet au 1er janvier 2024. Les informations sur la durabilité de la CSRD doivent être publiées dans le rapport de gestion en tant que partie intégrante du rapport annuel et être révisées par une société d’audit indépendante. Le 24 mai 2024, le Conseil de l’UE a ensuite adopté la directive relative au devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CSDDD), qui oblige les entreprises à identifier, évaluer et atténuer les risques de durabilité dans leurs chaînes de valeur. Les entreprises suisses sont également concernées directement ou indirectement par la CSRD et la CSDDD.
Dans ce contexte, la Suisse se voit contrainte de suivre de manière appropriée l’évolution rapide de la réglementation internationale. Ainsi, le 26 juin 2024, le Conseil fédéral a ouvert une procédure de consultation dans le but d’adapter les dispositions suisses en vigueur en matière de reporting sur le développement durable à la CSRD.
2.—Les entreprises suisses avec une empreinte européenne plus importante seront concernées dès 2025
Pour les sociétés mères suisses (avec un chiffre d’affaires net dans l’UE d’au moins 150 millions d’euros et une filiale ou des succursales pertinentes dans l’UE avec un chiffre d’affaires net dans l’UE d’au moins 40 millions d’euros), l’obligation de reporting selon la CSRD ne s’applique en principe qu’à partir de l’exercice 2028. Pour les grandes entreprises de l’UE, c’est-à-dire, du point de vue suisse, au niveau des grandes filiales de l’UE, les obligations de publication selon la CSRD s’appliquent toutefois déjà à partir de l’exercice 2024 (entreprises qui étaient déjà soumises à l’obligation de reporting selon la NFRD), respectivement de l’exercice 2025. Ainsi, à partir de l’exercice 2026, toutes les entreprises ayant leur siège dans l’UE (même celles qui ne sont pas cotées en bourse) devront établir un rapport selon la CSRD, indépendamment de leur forme juridique et du siège d’une éventuelle société mère, si deux des trois critères suivants sont remplis :
1)—Au moins 250 employés en moyenne pendant l’exercice ;
2)—Total du bilan supérieur à 25 millions d’euros ;
3)—Chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros
Même les petites entreprises suisses qui ne remplissent pas les conditions susmentionnées pourront bientôt être indirectement concernées par les obligations de reporting de la CSRD. Elles sont notamment soumises à certaines exigences de publication si elles font partie de la chaîne d’approvisionnement d’une entreprise soumise à l’obligation de déclaration, laquelle doit publier des informations complètes, notamment sur sa chaîne d’approvisionnement.
3.—Lancer l’analyse maintenant, s’assurer de disposer du temps nécessaire pour une éventuelle préparation coûteuse
Afin de disposer à temps de processus et de systèmes révisables pour la collecte de toutes les informations qualitatives et quantitatives nécessaires en matière de durabilité, des travaux préparatoires complexes sont nécessaires selon la situation de départ. C’est pourquoi nous recommandons à nos clients de procéder suffisamment tôt à une analyse de la structure de leur groupe, de leur stratégie et de leur modèle d’entreprise, ainsi que de leurs relations avec les clients et de leur chaîne d’approvisionnement, en tenant compte des exigences du droit européen et suisse. La première priorité est de déterminer si et à partir de quand leur entreprise entre dans le champ d’application des obligations de reporting ou si, sur la base d’une réglementation d’exception, une réduction au moins partielle de la charge opérationnelle liée au reporting est possible. Sur cette base, il convient de définir une procédure par étapes pour l’implémentation et la mise en œuvre du reporting (éventuellement déjà orientée vers la CSRD).
Aperçu et comparaison des directives européennes et de la législation suisse
Q&R sur l’impact de la directive européenne sur le reporting de développement durable (EU- CSRD) sur les entreprises suisses
1. Comment se présente la situation juridique de départ en Suisse ?
Le 29 novembre 2020, l’initiative populaire “Entreprises responsables – pour protéger l’être humain et l’environnement” (Initiative multinationales responsables) a été rejetée. Bien qu’une courte majorité du corps électoral se soit prononcée en faveur de son acceptation, la majorité requise des cantons n’a pas été atteinte. Le contre-projet indirect du Parlement a donc été adopté. Afin de l’implémenter dans la législation suisse, le Conseil fédéral a fixé au 1er janvier 2022 l’entrée en vigueur de nouvelles obligations de diligence et de transparence dans le Code des obligations (CO), ainsi que des dispositions d’exécution correspondantes dans une ordonnance (ODiTr). Le Conseil fédéral a également adopté une ordonnance relative au rapport sur les questions climatiques pour les grandes entreprises suisses, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2024. Pour plus d’informations sur ces développements en Suisse, nous vous renvoyons à la publication MLL du 9 mai 2022 (en anglais).
La Suisse visait déjà à l’époque une législation harmonisée au niveau international et s’orientait en premier lieu vers la directive européenne sur le reporting non financier (NFRD) alors en vigueur dans l’UE. En raison de l’introduction de la CSRD dans l’intervalle, la législation suisse ne reflète plus l’état actuel des directives européennes pertinentes. En septembre 2023, le Conseil fédéral a fait savoir que le droit suisse devait être harmonisé au niveau international. Le 26 juin 2024, le Conseil fédéral a lancé une procédure de consultation visant à adapter les dispositions suisses en vigueur en matière de reporting non financier à la CSRD d’ici au 31 octobre 2024. Il est notamment prévu (i) d’abaisser le seuil de l’art. 964a al. 1 ch. 2 CO de 500 à 250 emplois à plein temps1 , (ii) de faire en sorte qu’il suffise à l’avenir que deux des trois seuils de l’art. 964a CO soient atteints pendant deux années consécutives, que le seuil de 250 employés soit atteint ou non, (iii) de supprimer l’approche comply or explain et (iv) d’introduire une obligation de révision2. En raison de l’extension du champ d’application, beaucoup plus d’entreprises seront à l’avenir concernées par les obligations de reporting des articles 964a et suivants du CO.
2. Quelle est l’évolution juridique dans l’UE ?
Des développements décisifs ont également eu lieu au sein de l’UE. En 2017 déjà, l’UE a réglementé le reporting sur la durabilité des entreprises dans la NFRD. Par la suite, il s’est toutefois avéré, du point de vue de la Commission européenne, que ce cadre réglementaire était insuffisant au regard des exigences du plan d’action « Sustainable Finance » (voir ch. 4 ci-dessous). Le développement de la NFRD a donc été poursuivi.
Le 5 janvier 2023, la CSRD est entrée en vigueur, remplaçant les règles précédemment applicables sous la NFRD. Les États membres de l’UE avaient jusqu’à juillet 2024 pour mettre en œuvre les nouvelles règles au niveau national.
Le 22 novembre 2022, l’European Financial Reporting Advisory Group (EFRAG) a publié les premières ébauches des European Sustainability Reporting Standards (ESRS), qui comprennent douze normes, à la fois transversales et thématiques, et les a soumises à la Commission européenne pour adoption ou révision. Les ESRS visent à préciser les exigences de publication dans le cadre de la CSRD. Le premier ensemble d’ESRS a déjà été publié et est applicable depuis le 1er janvier 2024. Cependant, l’adoption des ESRS sectoriels et de la norme pour certaines entreprises non européennes a été reportée au 30 juin 20263.
Le 24 mai 2024, le Conseil de l’UE a formellement adopté la CSDDD. La CSDDD introduit des obligations de diligence pour les grandes entreprises en ce qui concerne l’impact négatif de leurs activités sur les droits de l’homme et l’environnement. Elle couvre les opérations commerciales propres, les activités en amont ainsi que certaines activités en aval le long de la chaîne de création de valeur. L’entrée en vigueur de la CSDDD, le 25 juillet 2024, marque le début d’une période de mise en œuvre de deux ans au cours de laquelle les États membres doivent adopter des lois nationales pour mettre en œuvre les obligations de la CSDDD. La CSDDD concerne les grandes entreprises, les entreprises du secteur à risque et les entreprises non européennes qui emploient au moins 1 000 personnes et dont le chiffre d’affaires net (au sein de l’UE) est égal ou supérieur à 450 millions d’euros. En d’autres termes, la CSDDD s’applique directement aux entreprises non européennes si un chiffre d’affaires net de 450 millions d’euros est réalisé au sein de l’UE. Les petites entreprises ne sont pas directement concernées par le champ d’application, mais peuvent l’être indirectement.
3. Qu’est-ce que la CSRD et en quoi se distingue-t-elle de la NFRD ?
La CSRD remplace la NFRD entrée en vigueur en 2014 et entraîne une extension massive du champ d’application actuel des entreprises soumises à l’obligation de reporting, qui passe d’environ 12 000 à près de 50 000 entreprises à l’échelle européenne. L’introduction de la CSRD renforce en outre de manière significative les exigences en matière de reporting sur le développement durable des entreprises.
La CSRD est une directive qui s’applique à certaines entreprises ayant leur siège ou exerçant une activité dans l’UE (voir le ch. 7 ci-dessous pour une définition plus précise) à publier chaque année des informations sur leur durabilité. La CSRD renforce considérablement les exigences existantes de la NFRD et les uniformise dans toute l’UE. L’objectif de la CSRD est donc d’améliorer la transparence et la responsabilité en matière d’informations sur la durabilité des entreprises. Cela doit permettre aux parties prenantes de mieux comprendre comment ces entreprises abordent les questions de durabilité. La CSRD vise également à accélérer l’intégration des considérations de durabilité dans les pratiques commerciales des entreprises et à soutenir ainsi la transition vers une économie plus durable et inclusive.
L’introduction des obligations de reporting dans le cadre de la CSRD se fera progressivement au cours des prochaines années (voir ch. 7).
4. Dans quel contexte plus large (Green Deal de l’UE) s’inscrivent la CSRD et le règlement sur la taxonomie ? Quel est l’objectif de l’UE avec ses nouvelles réglementations ?
Avec le European Green Deal, l’UE s’est fixé pour objectif de faire de l’Europe le premier espace économique climatiquement neutre au monde d’ici 2050 et de découpler la croissance économique de la consommation de ressources. L’European Green Deal prévoit une vaste palette de mesures qui s’étendent aux domaines les plus divers de l’économie et de l’industrie. Rien que jusqu’en 2030, la Commission européenne prévoit un besoin d’investissement privé supplémentaire de 180 milliards d’euros par an. L’UE attribue donc un rôle-clé au système financier et souhaite mobiliser les flux financiers et les orienter vers les investissements nécessaires.
En mars 2018, la Commission européenne a publié dans ce contexte le plan d’action « Sustainable Finance ». Depuis, elle met progressivement en place un cadre juridique qui place les aspects environnementaux, sociaux et de gouvernance (Environmental Social Governance ou “ESG” en abrégé) au cœur du système financier. Les trois nouvelles réglementations européennes les plus importantes dans ce domaine sont, outre la CSRD, la taxonomie européenne pour les activités durables (règlement sur la taxonomie) et la Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR).
Le règlement sur la taxonomie est un système de classification communautaire pour l’espace économique de l’UE, selon lequel la durabilité de certaines activités doit être mesurée. Sur cette base, les entreprises devront à l’avenir collecter et publier leur classification de durabilité en se basant sur leurs indicateurs CSRD, comme par exemple la part du chiffre d’affaires provenant d’activités “écologiquement durables” ou les investissements (Capex) dans ces activités.
La SFDR oblige les entreprises financières à indiquer à leurs clients dans quelle mesure elles intègrent les facteurs ESG dans le processus de décision concernant leurs produits financiers et quels sont les principaux impacts négatifs de leurs produits financiers en termes de durabilité. La condition préalable est que les entreprises collectent et publient les bases d’information correspondantes conformément à la CSRD.
5. Que régit la CSRD et quel est le rôle des ESRS ?
La CSRD est la base légale qui ancre et régit les obligations de publication. Le cadre de la mise en œuvre et le contenu plus précis des obligations de publication sont définis dans les ESRS. Les ESRS contiennent douze normes qui couvrent un large éventail de thèmes des aspects environnementaux, sociaux et de gouvernance, y compris des sujets tels que le changement climatique, la pollution et les droits de l’homme.
Avec les ESRS, la Commission européenne édicte des normes communes qui concrétisent le contenu et la structure des obligations de publication selon la CSRD. L’introduction des ESRS doit permettre d’éviter l’utilisation de plusieurs normes volontaires, comme c’est le cas aujourd’hui. L’utilisation de différents standards entraîne actuellement des problèmes au niveau de la qualité des rapports de durabilité.
6. Quelles sont les différences entre la CSRD et les dispositions suisses en vigueur en matière de transparence non financière ?
Champ d’application de la CSRD
7. À partir de quand et à quelles entreprises la CSRD s’applique-t-elle ?
Les dispositions de la CSRD entreront en vigueur en différentes phases entre 2024 et 2028.
- A partir de janvier 2025 pour l’exercice 2024, les nouvelles règles s’appliqueront aux grandes entreprises d’intérêt public, c’est-à-dire aux entreprises axées sur le marché des capitaux4 , aux grands prestataires de services financiers et aux compagnies d’assurance, si deux des trois critères suivants sont dépassés :
—-– Plus de 500 salariés en moyenne pendant l’exercice ;
—-– Total du bilan supérieur à EUR 20 millions ;
—-– Chiffre d’affaires supérieur à 40 millions d’euros
—–3)–Les sociétés qui ne sont pas établies dans l’UE mais qui ont des titres sur des marchés réglementés de l’UE entrent également dans le champ d’application à partir de 2025 pour ———–l’exercice 2024 (à condition que deux des seuils ci-dessus soient remplis).
- A partir de janvier 2026 pour l’exercice 2025, les grandes entreprises5 ayant leur siège dans l’UE (cotées ou non cotées, indépendamment de leur forme juridique et du siège d’une éventuelle société mère) sont également concernées par le champ d’application si deux des trois critères suivants sont dépassés :
—-– Plus de 250 salariés en moyenne pendant l’exercice ;
—-– Total du bilan de plus de 25 millions d’euros
—-– Chiffre d’affaires de plus de 50 millions d’euros
- À partir de janvier 2027 pour l’exercice 2026, les petites et moyennes entreprises (PME) cotées en bourse6 ainsi que les établissements de crédit de petite taille et non-complexes, les entreprises captives d’assurance et les entreprises captives de réassurance seront couvertes par le champ d’application de la CSRD.
Pour autant que les PME cotées justifient dans leur rapport de gestion pourquoi les informations sur le développement durable n’ont pas été fournies, les PME ont la possibilité, pendant une période de transition, de bénéficier d’une dérogation (dite “opt-out”) en vertu de laquelle elles sont exemptées de l’application de la directive jusqu’en 2028. Par souci d’exhaustivité, il convient de noter que cette possibilité n’est pas offerte aux petits établissements de crédit non-complexes, aux entreprises captives d’assurance et aux entreprises captives de réassurance.
Sont exemptées de l’obligation d’établir des rapports les microentreprises cotées en bourse7 qui, à la date de clôture du bilan, ne dépassent pas les limites d’au moins deux des trois critères de taille suivants :
—-– Moyenne de 10 personnes employées au cours de l’exercice ;
—-– Total du bilan de EUR 450’000 ;
—-– Chiffre d’affaires net de EUR 900’000.
- À partir de janvier 2029, pour l’exercice 2028, les entreprises hors-UE qui, au cours de chacun des deux derniers exercices consécutifs, ont réalisé dans l’UE un chiffre d’affaires net supérieur à 150 millions d’euros au niveau consolidé ou au niveau du groupe et qui ont dans l’UE soit une succursale dont le chiffre d’affaires a dépassé 40 millions d’euros au cours de l’exercice précédent, soit une filiale sous la forme d’une grande entreprise ou d’une PME cotée en bourse, sont également concernées. L’obligation de reporting de ces sociétés hors UE s’étend également à leurs filiales hors UE.
8. La CSRD a-t-elle également un impact sur les entreprises basées en Suisse ?
8.1 Effets directs pour les entreprises rentrant dans le champ d’application
Toutes les entreprises entrant dans le champ d’application (voir ch. 7 ci-dessus) soumises au droit d’un État membre de l’UE ou établies dans un État membre de l’UE sont concernées par la CSRD, donc également les filiales d’entreprises suisses.
Si une entreprise suisse a plusieurs filiales dans l’UE, il est possible, dans le cadre de l’exception de groupe, que la société mère suisse mette à disposition un rapport de durabilité conforme à la CSRD qui couvre l’ensemble du groupe. Les filiales ou entreprises d’intérêt public cotées en bourse qui entrent dans le champ d’application de la NFRD sont exemptées de cette obligation8.
En raison des valeurs seuils concernant le chiffre d’affaires dans l’UE, les petites entreprises suisses ne devraient pas être directement concernées par la CSRD, mais plutôt indirectement dans certains cas (voir ch. 8.2 ci-dessous). Il est toutefois recommandé de procéder à un examen spécifique du champ d’application. Ainsi, les négociants en matières premières dont le volume de transactions est élevé et qui disposent d’une filiale ou d’une succursale dans l’UE, mais dont le nombre d’employés est faible, pourraient être concernés par le champ d’application de la CSRD.
8.2 Effets indirects pour les entreprises suisses
Même les petites et moyennes entreprises suisses qui ne font pas directement partie du champ d’application de la CSRD devraient tôt ou tard être concernées indirectement, par exemple en tant que fournisseurs ou acheteurs d’entreprises couvertes par la CSRD, dans la mesure où leurs partenaires commerciaux sont susceptibles de leur demander de fournir des informations sur leur durabilité en tant que partie de la chaîne de création de valeur.
Les PME-ESRS, qui devraient être adoptées par la Commission européenne d’ici le 30 juin 2026, pourront à l’avenir servir de référence pour savoir quelles informations sur la durabilité sont exigées des entreprises indirectement concernées et comment elles doivent être publiées. Aucun projet de norme ESRS pour les PME n’existe cependant à ce jour.
9. Existe-t-il des exceptions à l’obligation d’établir des rapports selon la CSRD?
9.1 Exception de groupe
Si la société mère suisse met à disposition un rapport de durabilité conforme à la CSRD et couvrant l’ensemble du groupe, toutes les filiales incluses sont exemptées de l’établissement de leur propre rapport de durabilité. Le rapport devrait donc être établi sous les ESRS ou une norme équivalente à partir de 2026 pour l’exercice 2025. La Commission européenne est habilitée à définir la procédure de détermination de l’équivalence des normes utilisées par les pays tiers (voir ch. 9.3 ci-dessous).9
Les filiales ou entreprises d’intérêt public cotées en bourse qui entrent dans le champ d’application de la NFRD sont exclues de cette exception.10
9.2 Exception pour les sociétés-mères non-UE (consolidation artificielle)
Si une société-mère suisse a plusieurs filiales dans l’UE, l’une des plus grandes filiales de l’UE (avec le plus grand chiffre d’affaires au cours des cinq dernières années au moins) peut, au cours des sept premières années de l’obligation de rapport11, établir un rapport de durabilité consolidé qui inclut toutes les filiales de l’UE qui, considérées individuellement, sont tenues de présenter un rapport selon la CSRD. Ainsi, chacune de ces filiales ne doit pas publier un rapport individuel. Cette exception est également appelée “consolidation artificielle”, car la plus grande filiale publie ici un rapport pour toutes les autres filiales de la même société-mère localisées en UE et soumises à l’obligation d’établir un rapport et assume ainsi dès l’exercice 2025 un rôle comparable à celui que la mère aura à partir de l’exercice 2028 pour toutes les filiales sises en UE et également pour les filiales hors UE.
9.3 Rapports équivalents
Les règles de l’UE laissent une marge de manœuvre pour des exceptions, dans le cas où l’entreprise concernée utiliserait déjà une norme de durabilité équivalente. La Commission européenne a le pouvoir de désigner des cadres ou systèmes de reporting de durabilité individuels comme équivalents au reporting ESRS selon la CSRD. Jusqu’à présent, il n’a pas été déterminé quelles règles ou normes non-UE seront considérées comme équivalentes. Étant donné que les dispositions suisses relatives à la transparence des questions non financières dans le CO ont été élaborées sur la base de la NFRD et n’ont pas encore été adaptées à la CSRD, nous estimons qu’il est peu probable que les dispositions suisses relatives au reporting non financier répondent aux exigences d’équivalence. Dans ce contexte, le Conseil fédéral a également chargé l’Office fédéral de la justice de procéder à un nouvel alignement du reporting non financier suisse sur la CSRD. Le Conseil fédéral a publié les propositions de modification correspondantes en juin 2024 et a ouvert une procédure de consultation qui durera jusqu’à fin octobre 2024 (voir ch. 1 ci-dessus).
Rapports selon la CSRD
10.—Mon entreprise entre dans le champ d’application de la CSRD. Qu’est-ce que cela signifie ?
Les entreprises qui relèvent du champ d’application de la CSRD doivent publier un éventail complet d’informations liées au développement durable. Il existe notamment l’obligation de publier un rapport annuel sur le développement durable. Le contenu, la structure et l’étendue du rapport sont détermi-nés par les ESRS obligatoires.12
Selon les ESRS, les informations nécessaires dans le rapport concernent entre autres les points suivants :
- Décrire le modèle d’entreprise et la stratégie de l’entreprise et expliquer comment les conclusions de la double analyse de matérialité et le processus d’évaluation de la durabilité s’y reflètent ;
- Objectifs de durabilité liés au temps que l’entreprise s’est fixés ;
- Décrire le rôle des organes d’administration, de gestion et de surveillance en ce qui concerne les questions de durabilité, ainsi que leur expertise et leurs capacités à assumer ce rôle ou à accéder à cette expertise et à ces capacités ;
- Description de la politique de l’entreprise en matière de développement durable ;
- Informations sur l’existence de systèmes d’incitation liés à des aspects de durabilité et proposés aux membres des organes d’administration, de direction et de surveillance ;
- Obligations de déclaration complètes dans le domaine des émissions de gaz à effet de serre ou sur le thème du changement climatique ;
- Rapports qualitatifs et quantitatifs complets sur tous les domaines thématiques identifiés comme essentiels selon la double analyse de matérialité13 ;
- Couvrir l’ensemble de la chaîne de valeur de l’entreprise ;
- Explication de la perception des devoirs de diligence dans le domaine de la durabilité (sustainability due diligence) ;
- Application du règlement de la taxonomie relatif aux rapports financiers14.
11.—Une entreprise suisse doit-elle à l’avenir publier un rapport de durabilité CSRD et un rapport séparé selon le CO suisse ?
Si une entreprise remplit les critères de l’art. 964a al.1 CO15, elle est soumise à l’obligation d’établir un rapport sur les questions non financières (art. 964b al.1 CO).16 Ce rapport doit ensuite être approuvé et signé par l’organe supérieur de direction ou d’administration ainsi que par l’organe compétent pour l’approbation des comptes annuels.
Si une entreprise suisse est contrôlée par une autre entreprise qui établit déjà un rapport de durabilité conformément à la CSRD, elle est exemptée de l’obligation de publier un rapport en Suisse (art. 964a al. 2 ch. 2 CO)17. Si cette exception ne s’applique pas, l’exception de groupe selon la CSRD pourrait également être appliquée (voir question 9, ch. 9.1).
Dans la mise en œuvre du contre-projet, la Suisse a renoncé à établir un lien explicite avec une norme de reporting spécifique. Dans ce contexte, la version actuelle de l’ordonnance relative au rapport sur les questions climatiques établit la présomption que le rapport sur les questions climatiques est rempli conformément à l’art. 964a al.1 CO, dans la mesure où le rapport correspond aux recommandations de la TCFD18. Les entreprises sont toutefois libres d’utiliser une autre norme de rapport, tant que les exigences minimales en matière de contenu sont couvertes conformément à l’art. 964b al. 1 et 2 CO. En d’autres termes, il est possible d’établir un rapport consolidé selon les ESRS et donc d’aller au-delà des exigences de contenu attendues des dispositions suisses, tout en respectant les dispositions de l’UE.
Selon le rapport sur la modification des dispositions relatives à l’établissement de rapports sur le développement durable, les entreprises en Suisse doivent continuer à avoir le choix de s’orienter soit vers la norme européenne, soit vers une autre norme équivalente pour l’établissement de leurs rapports sur le développement durable. Le Conseil fédéral désignera les normes équivalentes. Pour l’instant, on ne sait pas encore si, dans la future version, la présomption selon laquelle le rapport établi selon les recommandations de la TCFD satisfait aux exigences légales de l’art. 964a al. 1 CO sera à nouveau applicable.
12.—Comment procéder par étapes lors de la mise en œuvre d’un rapport selon la CSRD ?
De nombreux aspects différents doivent être pris en compte lors de la mise en œuvre d’un rapport. Un guide simplifié étape par étape devrait comprendre les mesures suivantes :
- Comprendre les exigences légales ;
- Réalisation d’une double analyse de matérialité, y compris l’intégration des groupes d’intérêts pertinents, et évaluation des connaissances acquises dans le cadre du processus de vérification du devoir de diligence dans le domaine de la durabilité ;
- Dérivation ou révision de la stratégie de durabilité et élaboration d’un plan de durabilité de l’entreprise avec des objectifs concrets ;
- Définir les processus et les systèmes et ressources nécessaires pour collecter les données quantitatives et les informations qualitatives requises ;
- Définir le concept de rapport de durabilité lisible par machine ;
- Mise en œuvre interne du plan de développement durable dans les pratiques commerciales ;
- Mesure continue de la performance ;
- Communication interne et externe continue du plan avec le personnel et les autres parties prenantes.
13.—Comment le reporting selon la CSRD est-il contrôlé
La CSRD a introduit une exigence générale de vérification ou de confirmation à l’échelle de l’UE pour les rapports sur le développement durable. Il s’agit de vérifier la conformité des informations avec les normes de reporting du processus mis en œuvre par l’entreprise pour déterminer les informations rapportées et le marquage selon les exigences du format de reporting électronique, y compris les indicateurs selon l’article 8 du règlement sur la taxonomie. Cela devrait permettre de dissiper en grande partie les doutes des investisseurs et autres parties prenantes quant à la fiabilité effective des informations actuelles sur le développement durable fournies par les entreprises.
La CSRD prévoit d’imposer dans un premier temps une confirmation “limitée”. Une confirmation limitée est moins coûteuse pour les entreprises et correspond davantage à la capacité et à la performance technique actuelles du marché des services d’audit et de confirmation. Comme il n’existe pas encore de normes en la matière, il est actuellement difficile d’obtenir une assurance raisonnable sur le rapport de développement durable. La CSRD donne aux États membres la possibilité d’ouvrir le marché des services de certification de la durabilité à ce que l’on appelle les “prestataires de services de certification indépendants”. Les États membres pourraient donc faire appel à des entreprises autres que les auditeurs habituels pour confirmer la qualité de leurs informations sur la durabilité.
Actuellement, les obligations de contrôle sont encore prescrites par les différents États de l’UE (dans le cadre de la mise en œuvre de la NFRD). D’ici le 1er octobre 2026 au plus tard, la Commission européenne a l’intention de définir des normes d’assurance limitées uniformes. Des normes d’assurance suffisantes sont prévues au plus tard à partir du 1er octobre 2028.
14.—Quelles sont les sanctions encourues par les entreprises qui ne respectent pas les obliga-tions de reporting prévues par la CSRD ?
Le montant de l’amende n’a pas été explicitement spécifié dans le projet de directive de la Commission, mais des critères ont été définis pour en tenir compte lors de la fixation du montant. En cas de manquement concret d’une entreprise soumise à déclaration à l’obligation de publier les informations, les mesures et sanctions administratives suivantes sont au moins mentionnées :
- La communication publique des responsables et du type d’infraction ;
- Une injonction de cesser et de ne pas répéter le comportement qui enfreint les règles ;
- Des amendes administratives peuvent être infligées.
La version de la CSRD finalement publiée au Journal officiel ne contient cependant plus de paragraphe sur les sanctions uniformes. Le montant des amendes et les éventuelles autres sanctions sont donc à déterminer par les Etats membres.
Le droit suisse actuel se limite actuellement à des amendes d’un montant maximal de 100 000 CHF en cas d’acte intentionnel et d’un montant maximal de 50 000 CHF en cas de négligence19.
15.—Le conseil d’administration et la direction peuvent-ils être tenus responsables d’un rapport insuffisant ?
Bien que la CSRD ne contienne pas de dispositions explicites sur la responsabilité personnelle du conseil d’administration ou de la direction, elle crée des incitations qui peuvent varier en fonction de la réglementation en vigueur dans les États membres.
En Suisse, la responsabilité personnelle du conseil d’administration et de la haute direction d’une société anonyme découle de l’art. 754 CO.
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1 Par analogie avec l’art. 727 al. 1 ch. 2 let. c CO.
2 Sur l’ensemble du texte : Rapport explicatif relatif à l’ouverture de la procédure de consultation concernant la modification du Code des obligations (transparence sur les aspects de durabilité) du 26 juin 2024 (Rapport sur la modification des dispositions relatives au rapport de durabilité).
3 Le Q&A de la Commission européenne sur les ESRS peut être consulté ici.
4 Les entités faisant appel public à l’épargne sont des entités d’intérêt public régies par le droit d’un État membre et dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur un marché réglementé d’un État membre au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 14, de la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les marchés d’instruments financiers. Ces sociétés étaient déjà couvertes par la NFRD.
5 Article 3, paragraphe 4, de la directive 2013/34/UE.
6 Article 3, paragraphes 2 et 3, de la directive 2013/34/UE.
7 Article 3, paragraphe 1, de la directive 2013/34/UE.
8 Art. 19a, par. 10, en relation avec la directive. Art. 2, par. 1, point a), de la directive 2013/34/UE.
9 Art. 2, paragraphe 3, de la DCDR.
10 Art. 19a, par. 10, en relation avec la directive. Art. 2, par. 1, point a), de la directive 2013/34/UE.
11 Jusqu’au 6 janvier 2030.
12 Le Parlement européen et le Conseil de l’UE n’ont pas encore voté définitivement sur le projet actuel de l’ESRS (voir question 2). Il est donc possible que des modifications soient encore apportées au contenu du rapport selon l’ESRS.
13 La double matérialité prend en compte l’impact de l’entreprise (impact materiality) et les opportunités et risques financiers pour l’entreprise (financial materiality).
14 i.e. publication de la part du chiffre d’affaires, des dépenses d’exploitation et des investissements qui est considérée comme écologiquement durable selon la taxonomie de l’UE.
15 Concernant les critères : Voir la question 6.
16 Ce rapport doit mettre en lumière les thèmes suivants : les préoccupations environnementales, notamment les objectifs en matière de CO2, les préoccupations sociales, les préoccupations des travailleurs, le respect des droits de l’homme et la lutte contre la corruption (cf. art. 964b al. 1 CO).
17 Voir notre publication du 9 mai 2022 (en anglais) pour plus de détails.
18 La Task Force sur les Divulgations Financières liées au Climat (TCFD) a été officiellement dissoute et a été remplacée par les Normes de Divulgation de la Durabilité (SDS) dès juillet 2024.
19 Art. 325ter CP.