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Le 6 septembre 2021, la Commission des affaires juridiques du Conseil national a mis en consultation trois projets de modification du Code suisse des obligations (CO) visant des assouplissements du droit du bail, sur les plans suivants : (i.) la sous-location, (ii.) les formes à respecter lors de modifications unilatérales du contrat, notamment de hausses de loyer, et (iii.) la résiliation en raison de besoins du bailleur ou de ses proches [1].
1. Contexte
Ces trois projets, que nous décrirons plus en détail ci-après, font suite à quatre initiatives parlementaires suivantes déposées entre 2015 et 2018: « Empêcher les sous-locations abusives » déposée par Hans Egloff (n° 15.455), « Majoration échelonnée du loyer. Non aux formulaires inutiles » déposée par Karl Vogler (n° 16.458), « Droit du bail. Autoriser la signature reproduite par un moyen mécanique » déposée par Olivier Feller (n° 16.459) et « Résiliation du bail en cas de besoin du bailleur ou de ses proches. Simplifier la procédure » déposée par Giovanni Merlini (n° 18.475).
2. Sous-location
Le premier projet de modification vise à modifier l’art. 262 CO, qui traite de la sous-location, respectivement l’art. 291 traitant du sous-affermage dans le contrat de bail à ferme. Il repose sur l’idée que le droit en vigueur ne serait pas apte à offrir une protection suffisante au bailleur contre une mise à disposition des locaux par le locataire à des tiers, pour une courte durée, notamment par le biais de plateformes de mise en location en ligne telles que Airbnb [2]. En effet, les dispositions précitées n’envisagent pas ce genre de situations, qui n’existaient pas lors de leur adoption.
S’agissant de l’art. 262 CO, la Commission propose d’adapter et de compléter la disposition en y ajoutant trois alinéas. Le premier alinéa prévoirait désormais explicitement que le locataire peut sous-louer la chose louée moyennant le consentement écrit du bailleur [3]. Les conditions à remplir seraient fixées dans deux nouveaux alinéas, l’alinéa 2 imposant au locataire, sauf accord contraire du bailleur, de lui indiquer à tout le moins les noms des futurs sous-locataires et les conditions du contrat, l’alinéa 3 exigeant quant à lui du locataire qu’il communique au bailleur toute modification pouvant survenir pendant la sous-location.
Le nouvel alinéa 4 correspondrait à l’actuel alinéa 2, qui énumère les possibles motifs de refus de la sous-location par le bailleur, lesquels seraient désormais au nombre de quatre, à savoir : le refus de satisfaire aux conditions énoncées aux al. 2 et 3 (communication des noms, conditions et éventuelles modifications de la sous-location), l’existence de conditions de sous-location abusives par rapport au bail principal, d’inconvénients majeurs pour le bailleur ou encore une durée prévue de sous-location supérieure à deux ans. Contrairement à ce qui prévaut actuellement, cette liste ne serait toutefois pas exhaustive et le bailleur serait autorisé à invoquer des motifs de refus non expressément mentionnés dans la loi [4].
L’art. 262 al. 5 de l’avant-projet est identique à l’actuel alinéa 3, qui prévoit que le locataire principal est garant envers le bailleur de l’usage que le sous-locataire fait de l’objet loué. Toutefois, un nouvel alinéa 6 introduirait dans la loi un motif autorisant le bailleur à résilier le bail principal de façon extraordinaire, moyennant un préavis d’au minimum 30 jours, en cas de sous-location non-autorisée (dans son principe ou dans ses conditions) ayant fait l’objet d’une protestation écrite restée sans effet [5].
L’avant-projet prévoit également des adaptations équivalentes de l’art. 291 CO, afin d’instituer un régime identique.
3. Règles de forme
Dans un deuxième projet, la Commission suggère d’assouplir les règles de forme applicables aux majorations de loyer. Ainsi, l’actuel art. 269d CO devrait être complété par un nouvel alinéa 4, aux termes duquel une signature reproduite sur la formule officielle par un moyen mécanique (fac-similé) suffirait pour les augmentations de loyer ou autres modifications du contrat requises de manière unilatérale par le bailleur. Par ailleurs, en vertu d’un nouvel alinéa 5, dans les cas où l’augmentation de loyer intervient selon un échelonnement fixé dans une convention au sens de l’art. 269c CO, la forme écrite devrait à l’avenir être suffisante.
Ces modifications visent à officialiser et légaliser la pratique actuelle et à éviter que la notification d’une hausse de loyer soit frappée de nullité́ en l’absence de signature autographe apposée sur la formule officielle [6].
4. Résiliation pour besoin propre
Le troisième et dernier projet mis en consultation concerne la résiliation pour besoin propre du bailleur selon l’art. 261 al. 2 let. a CO, lorsque l’objet loué est aliéné en cours de bail. La Commission souhaite simplifier et accélérer la mise en œuvre de cette prérogative [7].
Alors qu’une telle résiliation n’est actuellement possible qu’en cas de besoin « urgent » pour le bailleur ou ses proches parents ou alliés, les parlementaires estiment qu’un simple besoin « important et actuel », sur la base d’une « évaluation objective », devrait désormais suffire à justifier une résiliation du bail.
Les art. 271a al. 3 let. a (relatif à l’annulabilité du congé donné par le bailleur) et 272 al. 2 let. d CO (en lien avec les droits du locataire à une prolongation du bail) devraient quant à eux être adaptés en conséquence, afin de tenir compte de cette nouvelle définition du « besoin » [8].
5. Conclusion
Les trois projets mis en consultation par la Commission visent essentiellement à simplifier certaines procédures et à clarifier les droits et devoirs des parties au contrat de bail. En particulier, les nouvelles règles de forme répondent à la pratique et à la standardisation des échanges électroniques, qui sont en phase de devenir la règle, avec pour conséquence une raréfaction des échanges d’exemplaires originaux (papier).
S’il est évident que ces adaptations faciliteraient la tâche aux bailleurs, nous estimons que les locataires y trouveront également leur compte dans la mesure où leurs devoirs seront décrits de façon plus précise et compréhensible.
À noter qu’à l’exception de celui relatif aux règles de forme, tous les projets de la Commission font l’objet de contre-proposition de minorités.
La date limite pour la soumission des commentaires est fixée au 6 décembre 2021.
[1] Communiqués de presse du CAJ-N du 6 septembre 2021, « la Commission met en consultation des projets d’assouplissement du droit du bail ».
[2] Rapport de la CAJ-N, p. 11.
[3] Rapport de la CAJ-N, p. 14.
[4] Rapport de la CAJ-N, p. 14.
[5] Rapport de la CAJ-N, pp. 14-15.
[6] Rapport de la CAJ-N, p. 8.
[7] Rapport de la CAJ-N, p. 25.
[8] Rapport de la CAJ-N, p. 26.