Naviguer dans le droit de la protection du logement à Bâle-Ville : Aperçu de la Loi ré-visée sur la promotion du logement (LPL) et de l’Ordonnance sur la protection du lo-gement (OPL)


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En 2022, le canton de Bâle-Ville a profondément révisé le cadre juridique relatif à la protection du logement existant. La nouvelle Loi sur la promotion du logement (LPL), accompagnée de l’Ordonnance sur la protection du logement (OPL), institue un régime réglementaire complet destiné à s’appliquer en période de pénurie structurelle de logements. L’objectif est de préserver les logements abordables existants, d’empêcher l’éviction de locataires de longue durée ou socialement vulnérables, tout en garantissant les conditions d’un développement urbain socialement durable.

Objectif et champ d’application : une approche intégrative

Selon l’article 1 LPL, la loi poursuit deux objectifs centraux : d’une part, encourager la préservation et la création d’un habitat diversifié, adapté aux familles, abordable et à loyer modéré ; d’autre part, protéger les locataires âgés ou de longue durée contre les évictions dues à des résiliations de bail ou à des hausses de loyer, en période de pénurie de logements. Il y a pénurie de logements au sens de la LPL lorsque le taux de vacance dans le canton de Bâle-Ville est égal ou inférieur à 1,5 % (art. 4, al. 4 LPL). Ce seuil est déterminé chaque année par l’Office cantonal de la statistique au 1er juin et s’applique à l’année suivante (art. 3 OPL).

Le champ d’application de la LPL couvre toutes les formes de logement dans le canton, y compris les appartements en location, les logements coopératifs, les propriétés par étage ainsi que les maisons individuelles (art. 3 LPL). Sont exclus, entre autres, les logements de luxe (art. 253b, al. 2 CO) et les immeubles comprenant au plus trois unités d’habitation (art. 4, al. 5 LPL ; art. 6 OPL).

La protection du logement existant repose sur des obligations d’autorisation pour les démolitions, les reconstructions, les changements d’affectation (notamment la transformation en propriété par étage), ainsi que les rénovations et transformations excédant l’entretien usuel. Des contrôles des loyers s’ajoutent en cas de démolition, de reconstruction ou de travaux lourds. En principe, ces obligations ne s’appliquent qu’en période de pénurie (art. 1, al. 2 OPL), sauf exceptions expressément prévues. L’exécution incombe à la Commission de protection du logement (art. 3a LPL ; art. 14 ss OPL) et à l’Inspection des constructions et de l’hôtellerie-restauration (art. 2 OPL).

Protection du logement par autorisation préalable

Démolition de logements et construction de remplacement

Toute démolition d’un bâtiment à usage principalement résidentiel est soumise à une autorisation préalable selon l’article 7 LPL. En période de pénurie, cette autorisation n’est accordée que dans des conditions strictes.

La condition principale est l’augmentation du volume de logements. La nouvelle construction doit permettre une augmentation d’au moins 40 % de la surface habitable, ou d’au moins 20 % à condition de respecter des exigences écologiques renforcées. Une surélévation doit être techniquement impossible ou inappropriée du point de vue écologique (énergie grise notamment). Le financement du projet doit également être démontré (art. 7, al. 3 LPL ; art. 9 OPL).

De plus, l’autorisation ne peut être délivrée que si les conditions relatives au contrôle des loyers prévues aux art. 8a à 8e LPL sont respectées. L’Inspection des constructions est compétente pour les aspects techniques (art. 2 OPL), tandis que la Commission de protection du logement intervient pour le contrôle des loyers (art. 8f LPL ; art. 17 OPL).

Changement d’affectation et transformation en propriété par étage

La transformation de logements en surfaces non résidentielles (ex. : bureaux, cabinets, commerces) nécessite une autorisation (art. 8, al. 1 LPL ; art. 7 OPL), surtout en période de pénurie, afin de prévenir une désaffectation spéculative ou motivée par le rendement.

Certaines exceptions existent, notamment les usages proches du logement (habitat encadré, crèches), l’usage professionnel privé par le locataire lui-même ou la continuation d’un usage commercial déjà licite (art. 8, al. 2 LPL). La vocation résidentielle doit rester prédominante.

En dehors de ces cas, l’autorisation ne peut être délivrée que si des motifs objectifs prépondérants sont démontrés (inadaptation structurelle, besoin du quartier, nécessité d’exploitation) et que le projet est compatible avec le développement urbanistique du quartier (art. 8, al. 3 LPL ; art. 5 OPL).

En période de pénurie, la constitution de propriété par étage dans des immeubles de quatre logements ou plus est également soumise à autorisation (art. 8, al. 5 LPL). Il faut démontrer un standard résidentiel approprié, notamment en matière de chauffage, d’équipements sanitaires et de cuisine (art. 19 OPL).

Rénovation, transformation et modification en période de pénurie de logements

En période de pénurie de logements, les interventions constructives sur des logements locatifs existants qui excèdent l’entretien ordinaire sont soumises à une autorisation stricte (art. 8a LPL). Ne sont pas soumises à autorisation les interventions relevant strictement de l’entretien usuel, telles que le remplacement d’appareils défectueux ou des travaux de maintenance n’entraînant pas une augmentation de standard (art. 20 OPL). Sont également dispensées d’autorisation les mesures réalisées dans l’intérêt du logement d’utilité publique (art. 8a, al. 2 LPL).

Contrôle des loyers et procédure d’autorisation

Les loyers applicables aux logements qui ont été remplacés, transformés ou rénovés sur la base d’une autorisation selon la LPL sont soumis, après exécution des travaux, à un contrôle administratif d’une durée de cinq ans (art. 8b LPL ; art. 26 OPL). Ce contrôle débute à compter de l’autorisation d’occupation ou de la notification de fin des travaux, et fait l’objet d’une inscription au registre foncier. Durant cette période, les loyers ne peuvent être augmentés que dans les limites prévues par les procédures prévues à cet effet dans la LPL.

a. Procédure de notification simple (art. 8c LPL)

Si le projet n’entraîne aucune augmentation de loyer, une simple notification à la Commission de protection du logement suffit. Celle-ci délivre une décision constatant qu’aucune adaptation du loyer n’est prévue. Une copie est remise aux locataires concernés (art. 23, al. 6 OPL).

b. Procédure d’autorisation simplifiée (art. 8d LPL)

En cas d’augmentation du loyer dans des limites strictement définies par la loi (maximum CHF 80 pour 1–2 pièces, CHF 120 pour 3 pièces, CHF 160 pour 4 pièces ou plus), la procédure simplifiée est applicable. La commission vérifie notamment :

  • la conformité des travaux avec les besoins prédominants de la population résidente (art. 5 OPL) ;
  • le maintien du logement dans la même catégorie qu’auparavant (art. 22 OPL) ;
  • le montant des coûts d’investissement imputables, selon une formule définie.

L’augmentation mensuelle admissible est calculée sur la base de la part valorisante des coûts d’investissement, plafonnée à 50 %, multipliée par un taux de transfert réduit (actuellement : 2,383 %), puis divisée par 12 (art. 24 OPL). Toute augmentation excédant ces plafonds est interdite dans cette procédure.

c. Procédure d’autorisation complète (art. 8e LPL)

Pour les interventions importantes ou complexes (par exemple : modifications du plan intérieur, mesures écologiques substantielles ou projets entraînant une hausse de loyer significative), la procédure complète s’applique. La Commission de protection du logement évalue alors l’ensemble des critères définis aux art. 8e, al. 2 et 3 LPL, afin de vérifier si les logements, après travaux, restent dans la même catégorie, répondent aux besoins prédominants de la population et contribuent à préserver le caractère des quartiers, le parc de logements existant et les conditions de vie établies.

d. Sanctions et demandes de remboursement (art. 19 ss LPL)

En cas de dépassement des loyers autorisés ou de non-respect des conditions imposées, la Commission peut ordonner des décisions correctives, exiger le remboursement des montants perçus indûment majorés des intérêts moratoires (5 %), et signaler les cas graves au Ministère public. Des amendes allant jusqu’à CHF 100’000 peuvent être prononcées (art. 20 LPL).

Premières expériences d’application et perspectives

Depuis l’entrée en vigueur des dispositions révisées de la LPL et de l’OPL en 2022, la mise en œuvre du nouveau régime de protection du logement se révèle particulièrement complexe dans la pratique. Les procédures sont longues, nécessitent une coordination étroite avec le droit de la construction, et impliquent une interprétation fréquente de notions juridiques indéterminées telles que « standard adéquat » ou « besoins prédominants de la population ». Cela engendre une insécurité juridique accrue ainsi qu’un besoin de conseil élevé. La large marge d’appréciation dont dispose la Commission de protection du logement accentue l’imprévisibilité des décisions.

Le système génère également une charge administrative significative. Pour les petits propriétaires, cela peut représenter un obstacle majeur aux investissements, voire les empêcher complètement. Les associations professionnelles constatent un recul net des projets de rénovation et de modernisation, ce qui pourrait, à terme, dégrader la qualité du parc immobilier.

Du point de vue de la politique du logement, aucun recul significatif des loyers ni accroissement mesurable de l’offre de logements à loyers modérés n’a encore été observé. Bien que les interventions réglementaires protègent efficacement les rapports locatifs existants, elles pourraient en même temps freiner l’activité de constructions neuves. Des clarifications judiciaires restent en suspens, notamment sur les modalités de calcul des hausses de loyers admissibles.

Conclusion

Le canton de Bâle-Ville a instauré, avec la LPL et l’OPL, un régime strict de protection du logement. Les dispositions sont détaillées, mais emportent une restriction significative de la liberté de disposition des propriétaires, tout en générant une charge procédurale considérable. Par ailleurs, la sécurité juridique est lacunaire : les notions centrales demeurent floues, les marges d’appréciation étendues, et les procédures souvent difficiles à anticiper. Il en résulte une tendance chez les propriétaires à renoncer à des rénovations ou reconstructions par crainte de contraintes ou de retards. Si les objectifs sociaux peuvent être atteints par ce dispositif, il existe un risque de vieillissement du parc immobilier à long terme. Le canton de Bâle-Ville s’expose ainsi à une perte de confiance de la part des investisseurs. Pour que ce système ambitieux soit durable, des ajustements sont nécessaires, notamment en matière d’efficacité, de prévisibilité et de proportionnalité.


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