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Dans un arrêt n° 2C_80/2020 du 15 octobre 2020, le Tribunal fédéral a dû faire un rappel de sa jurisprudence relative au respect du principe de la couverture des frais en matière de taxe d’équipement. En effet, les juges fédéraux ont constaté que la pratique des collectivités publiques genevoises ne permet pas de garantir que les montants prélevés à ce titre auprès des propriétaires ne dépassent pas le coût effectif des équipements réalisés.
L’art. 19 al. 2 de la Loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT) prévoit que le droit cantonal règle la participation financière des propriétaires fonciers à l’équipement de leur terrain. Dans le canton de Genève, la Loi générale sur les zones de développements (LGZD/GE) institue une taxe d’équipement due par les propriétaires de terrains sur lesquels sont érigés des projets faisant l’objet d’une autorisation définitive de construire (art. 3A al. 2 1ère ph. LGZD/GE). Cette taxe d’équipement constitue une charge de préférence dépendant des coûts, prélevée auprès des propriétaires de terrains en contrepartie de la plus-value conférée à leurs immeubles par les équipements construits par la collectivité publique, tels que les routes, trottoirs, places de parc, eau, énergie, égouts et déchets.
Un premier arrêt concernant le respect du principe de la couverture des frais en lien avec le prélèvement de la taxe d’équipement genevoise a été rendu le 13 décembre 2015 par le Tribunal fédéral (arrêt n° 2C_226/2015). Se fondant sur un rapport établi en 2012 par la Cour des comptes du canton de Genève, notre Haute Cour a souligné que ledit rapport laissait supposer une potentielle violation du principe de la couverture des frais. Le Tribunal fédéral a ainsi relevé que le contrôle du respect de ce principe ne saurait se fonder sur des affirmations générales, mais nécessitait un examen concret de ses comptes par la commune concernée.
A la suite de cette décision, le système cantonal genevois du prélèvement de la taxe d’équipement a été entièrement revu. Ainsi, dans sa version entrée en vigueur le 1er janvier 2017, la LGZD/GE prévoit que la taxe d’équipement est fonction de l’importance des constructions projetées mais qu’elle ne doit en aucun cas excéder 2,5% du coût de la construction autorisée. Cette taxe consiste en un montant par mètre carré de surface brute de plancher autorisée qui est arrêté par le Conseil d’Etat et qui doit équivaloir au 75% des coûts moyens d’équipement des projets de développement, à l’échelle du canton (art. 3A al. 2 2ème et 3ème phr. et al. 3, 1ère à 3ème phr. LGZD/GE). Depuis la réforme de la loi cantonale, l’instance chargée de fixer le montant de la taxe d’équipement dans le canton de Genève est le Fonds intercommunal d’équipement (FIE). Organisé sous forme d’une fondation de droit public, le FIE octroie également aux communes qui lui en présentent la demande un financement jusqu’à concurrence de 75% des coûts des projets d’équipement qui ont été approuvés selon des standards de référence.
Ce nouveau système n’a toutefois manifestement pas permis de remédier à la problématique soulevée par notre Haute Cour dans son arrêt de 2015.
En l’espèce, la décision rendue par le Tribunal fédéral à l’automne 2020 faisait suite à un recours déposé par des propriétaires ayant construit plusieurs immeubles en Ville de Genève et qui contestaient le montant de la taxe d’équipement due en lien avec l’aménagement d’un chemin bordant les immeubles construits.
Après avoir rappelé que les taxes d’équipement, en tant que taxes causales, doivent respecter le principe de la couverture des frais, ce qui signifie que leur montant ne doit pas dépasser, ou seulement de très peu, l’ensemble des coûts effectifs des équipements réalisés, les juges fédéraux ont souligné que le contrôle du respect de ce principe suppose une comparaison concrète des ressources financières obtenues grâce aux taxes d’équipement par la collectivité publique concernée avec les coûts totaux supportés dans ce domaine par cette même collectivité et censés être couverts par les taxes précitées.
Quand bien même le FIE, respectivement la commune, jouit d’un certain pouvoir d’appréciation au moment de contrôler que les taxes d’équipement respectent le principe de la couverture des frais, il leur appartient de supporter le fardeau de la preuve à cet égard. Cela présuppose de pouvoir démontrer « comptablement » que le principe de la couverture des frais est respecté lorsqu’un contribuable conteste sa taxe d’équipement.
En l’occurrence, les données comptables de la Ville de Genève, à l’instar de celles du FIE, de même que les recettes obtenues par ce dernier grâce aux taxes d’équipement et les réserves dont il dispose, n’ont pas été produites dans le cadre de la procédure. Il n’était donc pas possible de déterminer si la taxe litigieuse respectait le principe de la couverture des frais. Or, le total des taxes d’équipement facturées par le FIE aux différents propriétaires dépassait largement la subvention que ce dernier avait accordée à la Ville de Genève en vue du réaménagement du chemin, sans qu’une quelconque explication n’ait été fournie à cet égard. Notre Haute Cour a considéré que ce fait laissait transparaître un risque persistant de thésaurisation de la taxe d’équipement dans le canton de Genève.
En conséquence, le Tribunal fédéral a admis le recours des propriétaires et annulé l’arrêt rendu par la Cour de justice de Genève. La cause a été renvoyée à cette dernière afin qu’elle vérifie la conformité du montant de la taxe d’équipement avec le principe de couverture des frais et, si cela ne devait pas être le cas, qu’elle le rectifie en conséquence.
Cet article a été rédigé par Cosima Trabichet-Castan et Séverine Micheloud.