Grandes-lignes-de-la-refonte-actuelle-du-cadre-legal-federal-concernant-les-energies-renouvelables

Grandes lignes de la refonte actuelle du cadre légal fédéral concernant les énergies renouvelables


Vos contacts

La Constitution fédérale oblige la Confédération et les cantons à s’employer à promouvoir un approvisionnement énergétique suffisant, diversifié, sûr, économiquement optimal et respectueux de l’environnement[1]. Dans cette perspective, le Conseil fédéral, qui s’appuie principalement sur les objectifs de la Stratégie énergétique 2050 approuvée par la votation populaire de 2017, estime qu’il est impératif de créer de nouvelles installations et d’agrandir les installations existantes destinées à l’utilisation d’énergies renouvelables[2].

Contexte

C’est ainsi que depuis juin 2021, l’organe exécutif de la Confédération s’attelle à une véritable refonte du système légal concernant les énergies renouvelables visant à améliorer les instruments d’encouragement de la production d’électricité de source renouvelable.

La présente contribution a ainsi pour but de dresser un panorama des principales révisions et adaptations envisagées, respectivement destinées à entrer en vigueur à court terme, sans oublier les modifications législatives applicables dès le début de l’année. Nous commencerons par présenter les grandes lignes du projet de révision de la Loi fédérale sur l’énergie (LEne), avant de résumer les modifications proposées de l’Ordonnance sur l’aménagement du territoire (OAT) et de conclure par une revue des adaptations de l’ordonnance sur l’énergie (OEne) et de celle relative à l’encouragement de la production d’électricité issue d’énergies renouvelables (OEneR), entrées en vigueur le 1er janvier 2022.

Nous ne traiterons toutefois pas la question des systèmes de subventions mis en place par la Confédération, les cantons ou encore les communes concernant les installations solaires notamment.

Révision de la Loi fédérale sur l’énergie

Lors de sa séance du 18 juin 2021, le Conseil fédéral a adopté la loi fédérale relative à un approvisionnement en électricité sûr reposant sur des énergies renouvelables. Avec ce projet, qui comprend une révision de la LEne et de la loi fédérale sur l’approvisionnement en électricité (LApEl), il entend renforcer le développement des énergies renouvelables indigènes et la sécurité de l’approvisionnement de la Suisse, en particulier durant l’hiver[3].

L’objectif de ce projet est d’une part d’accélérer les procédures de planification et d’autorisation concernant les installations hydroélectriques et éoliennes les plus importantes. D’autre part, il vise à promouvoir le développement des installations solaires par des incitations fiscales et par l’extension de la procédure d’annonce (cf. notre article “Installations solaires en Suisse : aspects pratiques” pour plus de détails à ce sujet).

Le Conseil fédéral propose donc de fournir aux cantons, pour les installations les plus importantes dans les domaines de l’énergie hydraulique et éolienne, des règles de planification et d’autorisation afin de rendre leurs procédures homogènes et entièrement coordonnées, tant sur le plan matériel que sur la forme. En effet, il n’existe pas aujourd’hui de prescriptions de droit fédéral régissant les procédures cantonales de planification et d’autorisation qui soient efficientes et entièrement coordonnées en vue de la construction de ce type d’installations[4].

On relèvera que la révision proposée va dans le sens de deux motions déposées au Parlement, à savoir la motion de la Commission de l’environnement, de l’aménagement et de l’énergie du Conseil des Etats (CETAE-N) du 27 octobre 2020 (20.428 “Sécurité de planification améliorée pour les projets d’installations d’intérêt national destinées à utiliser les énergies renouvelables”), adoptée par le Conseil national le 3 juin 2021, et la motion Bourgeois du 26 septembre 2019 (19.4242 “Renforcement du photovoltaïque”), adoptée par le Conseil national le 23 septembre 2021.

Les auteurs du projet proposent ainsi la mise en place d’une procédure pour la réalisation des installations hydroélectriques et éoliennes les plus importantes, qui peut être résumée comme suit[5]:

  1. La Confédération doit créer une conception indiquant les sites des installations hydroélectriques et éoliennes les plus importants, en collaboration avec les cantons, au sens de l’art. 13 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT). Ces installations pourront ainsi être planifiées dans une optique nationale globale. Pour les procédures cantonales qui suivent (procédure d’élaboration des plans directeurs et procédure concentrée d’approbation des plans), cette conception doit servir de planification liée aux sites et aux projets.
  2. En s’appuyant sur cette conception, contraignante pour les autorités, les cantons doivent édicter le plus rapidement possible, pour les installations les plus importantes qui y figurent, des procédures de planification directrice concernant les différents sites.
  3. Pour les installations énumérées dans la conception, les cantons doivent prévoir une procédure cantonale d’approbation des plans concentrée respectant les prescriptions fédérales, et dans le cadre de laquelle toutes les autorisations requises doivent être octroyées.
  4. Les décisions cantonales d’approbation des plans rendues dans le cadre de la procédure cantonale peuvent faire l’objet d’un seul recours au tribunal cantonal.

Simultanément, les modifications suivantes concernant les conditions-cadre du développement du photovoltaïque sur les bâtiments sont prévues[6] :

  1. Les coûts de mise en place des nouvelles constructions solaires pourront être déductibles des impôts. Cet allègement fiscal s’ajoutera à celui qui existe déjà pour la mise en place d’installations solaires dans le cadre de rénovations.
  2. La procédure d’annonce, qui aujourd’hui déjà remplace souvent la procédure d’octroi de l’autorisation de construire pour les nouvelles installations solaires en toiture, est étendue aux installations en façade. L’article 18a LAT sera modifié dans ce sens.

Le projet de révision sus-évoqué a été mis en consultation lors de la séance du Conseil fédéral du 2 février 2022. Le délai de réponse à la consultation s’est achevé le 23 mai 2022[7].A ce jour, le rapport y relatif n’a pas encore été publié.

Modification de l’ordonnance sur l’aménagement du territoire (OAT)[8]

Le 11 octobre 2021, le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) a ouvert une procédure de consultation relative notamment à la modification de l’OAT, visant à apporter des précisions sur la mise en place d’installations solaires hors zone à bâtir. La procédure de consultation s’est terminée le 25 janvier 2022.

La révision de l’OAT concerne, premièrement, la mise en place d’installations solaires hors zone à bâtir. Elle prévoit que d’importantes catégories d’installations solaires hors zone à bâtir seront considérées comme des installations dont l’implantations est imposée par leur destination. Il s’agit notamment de celles qui s’intègrent dans des façades, des barrages ou des murs antibruit ou qui sont mise en place de façon mobile et flottante sur un lac de barrage en milieu alpin. Cette modification permettra de démontrer plus facilement que les conditions d’autorisation sont remplies. Les autorisations pourront être octroyées plus rapidement et la charge de travail des autorités cantonales sera ainsi allégée. Deuxièmement, le projet a pour but d’exempter de l’obligation de disposer d’une autorisation de construire, dans certains cas, les installations solaires sur les toits plats situés en zone d’activité.

Lors de sa séance du 3 juin 2022, le Conseil fédéral a approuvé les modifications apportées à l’OAT. Ces dernières entreront en vigueur le 1er juillet 2022.

Adaptations de l’ordonnance sur l’énergie et de l’ordonnance sur l’encouragement de la production d’électricité issue d’énergies renouvelables[9]

Dans le cadre de sa séance du 24 novembre 2021[10], le Conseil fédéral a notamment approuvé les adaptations concernant l’OEne et celles de l’OEneR. Ces modifications sont entrées en vigueur le 1er janvier 2022.

Révision de l’OEne

Cette révision apporte des précisions juridiques sur la planification directrice et sur l’intérêt national que peut revêtir une installation hydroélectrique. Les adaptations apportées au texte lèvent les incertitudes juridiques que différents arrêts du Tribunal fédéral avait générées. En premier lieu, il est dorénavant précisé dans l’OEne que les installations hydroélectriques peuvent être autorisées même en l’absence de désignation dans le plan directeur cantonal des tronçons de cours d’eau qui se prêtent à l’utilisation d’énergies renouvelables. En second lieu, il est clairement établi que les projets qui n’ont pas d’incidences importantes sur le territoire et l’environnement ne doivent pas être prévus dans le plan directeur. Le nouveau libellé de l’ordonnance fixe les valeurs seuils à partir desquelles l’agrandissement ou la rénovation d’une installation hydroélectrique revêt un intérêt national et prévoit dorénavant une valeur seuil pour les centrales à accumulation.

Par ailleurs, dans l’OEne révisée, la durée d’amortissement des mesures fixées dans une convention d’objectifs qui servent à obtenir le remboursement du supplément perçu sur le réseau est prolongée (elle passe de 4 ou 8 ans à 6 ou 12 ans). Cela incitera les entreprises à mettre en œuvre davantage de mesures visant l’efficacité énergétique à l’avenir. Enfin, la révision apporte des précisions sur la facturation des coûts en cas de contracting concernant des regroupements dans le cadre de la consommation propre (RCP) et clarifie certains détails sur la représentation des participants à un RPC vis-à-vis du gestionnaire de réseau de distribution.

Révision de l’OEneR

Cette révision prévoit que la contribution de base relevant de la rétribution unique allouée pour les installations photovoltaïques, passe de CHF 700 à CHF 350 par installation. En revanche, la contribution liée à la puissance augmentera de CHF 10 à partir de 30 kW pour s’établir à CHF 300 par kW. Cette nouveauté vise à encourager la construction d’installations plus grandes et, si possible, l’exploitation de toute la surface de toiture qui se prête à la production d’électricité. La contribution liée à la puissance baissera de CHF 20 à partir de 100 kW pour passer à CHF 270 par kW. Ce changement vise à assurer que la rétribution unique continue à ne pas excéder 30% des coûts d’investissement des installations de référence.

Pour développer les installations photovoltaïques intégrées ou apposées contre une façade, l’OEneR révisée prévoit désormais que pour les installations intégrées présentant un angle d’inclinaison d’au moins 75 degrés (par rapport à l’horizon) la contribution liée à la puissance est augmentée d’un bonus de CHF 250 par kW.

En outre, le système de rétribution de l’injection pour les installations de biomasse, les installations de petite hydraulique et les installations éoliennes avec mesure de la courbe de charge, le prix de marché de référence sera calculé sur une base mensuelle et non plus trimestrielle. Par ailleurs, une installation hydroélectrique qui en remplace une autre sera considérée comme une rénovation ou un agrandissement et non plus comme nouvelle installation. Et enfin, l’OENeR règle les exigences énergétiques minimales pour les centrales électriques à bois.

Autres révisions en cours de consultation

A la suite de l’initiative parlementaire 19.443 « Promouvoir les énergies renouvelables de manière uniforme. Accorder une rétribution unique également pour le biogaz, la petite hydraulique, l’éolien et la géothermie », le Parlement a décidé le 1er octobre 2021 de remplacer le système de rétribution de l’injection arrivant à échéance fin 2022 par des contributions d’investissement. Il a également arrêté que les installations de biomasse bénéficieraient en sus d’une contribution aux coûts d’exploitation. Par ailleurs, il a considérablement modifié la rétribution unique allouée pour les installations photovoltaïques. Tous ces instruments seront appliqués jusqu’à fin 2030. Les nouvelles bases légales qui les sous-tendent doivent maintenant être concrétisées dans les ordonnances concernées : l’ordonnance sur l’énergie, l’ordonnance sur les exigences relatives à l’efficacité énergétique, l’ordonnance sur l’encouragement de la production d’électricité issue d’énergies renouvelables et l’ordonnance sur l’approvisionnement en électricité. Ces modifications visent à renforcer les instruments d’encouragement de la production d’électricité issue des énergies renouvelables[11].

Depuis le 30 mars 2022, le Conseil fédéral a ouvert, par le biais du DETEC, la procédure de consultation sur la révision sus-évoquée, auprès des gouvernements cantonaux. La procédure de consultation durera jusqu’au 8 juillet 2022. Il est prévu que les ordonnances révisées entrent en vigueur début 2023[12].

En parallèle, le DETEC mène une enquête, concernant les possibilités et modalités d’une incitation à ce que les installations photovoltaïques couvrent l’intégralité de la toiture. Un « bonus pour toiture complète » est notamment envisagé. Cette étude devrait paraître dans le courant de l’été 2022.

[1] cf. art. 89 al. 1 Constitution fédérale suisse.

[2] Modification de la loi sur l’énergie du 20 septembre 2016, Avant-projet du 2 février 2022 – Rapport explicatif en vue de l’ouverture de la procédure de consultation, p. 2.

[3] Message du 18 juin 2021 concernant la loi relative à un approvisionnement en électricité sûr reposant sur des énergies renouvelables (FF 2021 1666).

[4] Modification de la loi sur l’énergie du 20 septembre 2016, Avant-projet du 2 février 2022 – Rapport explicatif en vue de l’ouverture de la procédure de consultation, p. 2.

[5] Modification de la loi sur l’énergie du 20 septembre 2016, Avant-projet du 2 février 2022 – Rapport explicatif en vue de l’ouverture de la procédure de consultation, p. 5.

[6] Modification de la loi sur l’énergie du 20 septembre 2016, Avant-projet du 2 février 2022 – Rapport explicatif en vue de l’ouverture de la procédure de consultation, p. 6.

[7] Communiqué de presse du Conseil fédéral du 3 février 2022.

[8] Communiqué de presse du DETEC du 11 octobre 2021.

[9] Communiqué de presse du Conseil fédéral du 24 octobre 2021

[10] Communiqué de presse du Conseil fédéral du 24 novembre 2021.

[11] Communiqué de presse du Conseil fédéral du 30 mars 2022.

[12] Communiqué de presse du Conseil fédéral du 30 mars 2022.


Partager l’article



les plus lus


Highlights

MLL Legal

MLL Legal est l’une des principales études d’avocats en Suisse, avec des bureaux à Zurich, Genève, Zoug, Lausanne, Londres et Madrid. Nous conseillons nos clients dans tous les domaines du droit des affaires. Nous nous distinguons en particulier par notre expertise sectorielle de premier ordre dans les domaines spécialisés techniques et innovants, mais aussi dans les industries réglementées.

MLL Meyerlustenberger Lachenal Froriep

Newsletter

MLL Real Estate Legal Update 01/24. Notre dernière MLL Legal Update Real Estate est désormais en ligne. Vous y trouverez plusieurs articles rédigés par nos spécialistes en droit immobilier, couvrant diverses thématiques d’actualité. Nous vous en souhaitons une bonne lecture.

Accéder à la Newsletter 01/24

S’inscrire

Notre histoire

MLL Legal est une étude d’avocats suisse de premier plan dont l’histoire remonte à 1885. L’étude s’est développée à la fois de manière organique et par le biais de fusions stratégiques, dont la dernière a eu lieu le 1er juillet 2021 entre Meyerlustenberger Lachenal et FRORIEP.

Cette fusion fait de MLL Legal, une nouvelle entité combinée, l’un des plus grands cabinets d’avocats d’affaire de Suisse, avec 150 avocats répartis dans quatres bureaux en Suisse et deux bureaux à l’étranger, à Londres et à Madrid, au service de clients recherchant des conseils en droit suisse.

Notre étude a un profil international fort et réunit un leadership et une expertise reconnus dans tous les domaines du droit qui touchent le monde des affaires aujourd’hui, avec un accent sur les secteurs de la haute technologie, l’innovation et la réglementation.

A propos de nous
 

Publications

Cliquez ici pour accéder à nos dernières publications.

COVID-19

Lisez toutes nos mises à jour juridiques sur l’impact de COVID-19 pour les entreprises.

COVID-19 Information

Postes vacants

Vous cherchez un nouveau défi ?

Nos équipes talentueuses et ambitieuses sont motivées par une vision commune pour réussir. Nous apprécions la communication ouverte et directe à tous les niveaux de l’organisation dans un environnement de travail favorable.

Postes vacants

Nouvelles de l’étude

Cliquez ici pour les dernières nouvelles de l’étude.

Notre équipe

L’environnement réglementaire et technologique exige continuellement des entreprises qu’elles s’adaptent et évoluent.
MLLL compte plus de 150 avocats, qui innovent en permanence et cherchent constamment à améliorer leur pratique. Nous adoptons de nouvelles idées et technologies, en associant notre riche expertise à une pensée créative et réactive. Grâce à notre approche pratique, nous mettons en œuvre des solutions viables pour répondre aux défis juridiques les plus complexes.

A propos de nous notre équipe.

Droit de l’immobilier et de la construction

Découvrez nos articles au sujet du droit de l’immobilier et de la construction.
Droit de la construction

MLL Legal sur les médias sociaux

Suivez-nous sur LinkedIn.